Enfant, Martin vivait avec sa mère coiffeuse (Carmen Maura), puis avec son père et sa belle-mère (Marthe Villalonga), riches entrepreneurs. Ses grands frères n’étant plus à la maison, le petit Martin vit une enfance faite d’inquiétudes. Jeune homme, il quitte en précipitation sa « famille ». Démuni, il erre dans la campagne du département du Lot, avant de retrouver à Paris son grand demi-frère (Mathieu Amalric). Celui-ci vit avec Alice (Juliette Binoche). L’un (comédien) comme l’autre (musicienne) galèrent pour trouver de quoi payer leur loyer, tandis que Martin se fait directement employer comme mannequin de pubs. Alice et Martin sortent ensemble ; c’est à ce moment que tout le passé secret et louche du bel homme va resurgir…
Dans La Nuit américaine, Truffaut/Ferrand confiait à Léaud/Alphonse : « Les films sont (…) sans embouteillage, sans temps morts. Les films avancent comme des trains, tu comprends, comme des trains dans la nuit ». Si l’on peut se permettre de mettre Téchiné et Truffaut du même côté, c’est bien sur cette question d’urgence, là où rien ne peut attendre. Alice et Martin, sous ses apparences tranquilles de tranche de vie salvatrice, est constamment marqué par le temps. Le film, en effet, se déroule de manière très classique jusqu’à ce que le réalisateur revienne au fur et à mesure sur les ellipses qu’il a mises en place, ce qui divise le film en trois parties : l’arrivée à Paris ; l’exil des amants en Espagne, c’est à dire la prise de conscience de Martin ; enfin la réminiscence du passé mêlée au retour au pays, afin d’élucider les problèmes.
C’est là que la construction scénaristique est laborieuse, même si elle sert à appuyer quelques thèmes comme : les familles riches des petites communes tiennent le pouvoir ; mais également le sentiment de culpabilité est plus fort que tout. Téchiné tâtonne entre ses sujets, en plaçant Binoche en « détective », à la manière de Castellito dans A vendre, le lyrisme en moins. Mais comme toujours chez Téchiné, on reste charmé par la beauté de ses acteurs et par les sentiments que chacun refuse à s’accorder. Martin se réfugie dans un mutisme proche de l’autisme, Alice ne peut rencontrer la famille que précipitamment, sans confiance réelle. Le tout reste troublant grâce à l’incertitude des gestes et du temps, mais l’époque de Hôtel des Amériques est bien loin…
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