Bien que la France soit le premier pays européen d’accueil de tourisme naturiste, il n’existait pas encore de documentaire de fond sur la question. Sympathisant du naturisme, mais non pratiquant, Robert Salis a choisi de combler ce vide et de s’intéresser au mouvement qui propose la plus profonde remise en question des ressorts culturels et sociaux de la notion contemporaine de pudeur. A la recherche du paradis perdu première mouture a été produit sous la forme d’un 52 minutes et diffusé sur TF1 en 1993. La version cinéma que nous propose Salis se présente donc comme la forme aboutie d’un projet déjà ancien.
Les images de ce documentaire sont belles, soignées, d’un esthétisme parfois forcé. Face aux naturistes que Salis interroge et filme au plus près de leur intimité, sa caméra se veut bienveillante et respectueuse. Ses interlocuteurs ne sont jamais tournés en dérision, jamais filmés à leur insu. Il construit ainsi un rapport de confiance et nous présente, souvent en toute simplicité, ces gens qui se montrent nus sans difficultés, sans pudeur ni honte apparente, sans exhibitionnisme non plus. L’aisance avec laquelle les sujets de son documentaire évoluent devant un objectif qui concentre potentiellement des milliers de regards inconnus n’est pas la moindre des choses qui surprendra le spectateur non naturiste. Ces naturistes ne se contentent pas de montrer leur physionomie. Ils défendent leurs choix avec une force à la mesure des attaques réelles ou imaginaires qu’ils subissent. Salis reste neutre et nous rapporte les différents aspects d’un discours qui se construit en terme de « refus des préjugés » ou de la « pudibonderie », de recherche de « l’harmonie avec la nature » et de « retour à un état naturel ». Or, s’il est évident (et les naturistes ne manquent pas de le rappeler) que la pudeur est une construction sociale dont certains fondements peuvent être aujourd’hui relativisés, il n’en est pas moins vrai que le nudisme a également sa part de construction sociale. Son caractère « naturel » est un argument de surface.
Sans chercher à trahir ceux qui justifient ainsi leur naturisme, on aurait aimé que le regard de Salis se fasse plus sociologique et tente de décrypter la complexité des motivations, des tenants et des aboutissants de cette pratique de loisir originale. Finalement, ce documentaire nous présente un reflet fidèle du naturisme actuel tel que le conçoit sa principale organisation (la Fédération Française de Naturisme) : un loisir de masse, largement débarrassé de ses utopies fondatrices (végétarisme, hygiénisme, refus du tabac et le l’alcool…) avec ses paradoxes et ses contradictions, entre écologisme et bétonnage massif, entre fraternité humaine et quête individualiste du plaisir, entre tolérance et culte du beau corps.
Les cartes semblent, cependant, quelque peu brouillées. Salis peine à définir son objet entre le naturisme militant et le simple « à poilisme » du dimanche. Nous le suivons dans les méandres d’une démonstration conduite de bout en bout par le discours « bulldozer » des interviewés (dont de nombreux membres de la FFN) qui lui interdisent toute distance critique. Des interviewés dont on apprécie pourtant l’aisance, le bien-être, la franchise et une certaine grâce que la caméra ne trahit pas.