On peut aisément voir dans cette grande fresque charnelle la plus belle découverte du cinéma brésilien depuis Glauber Rocha, au moins parce que Luiz Fernando Carvalho partage avec le réalisateur de Antonio das mortes un goût pour la puissance du lyrisme. La comparaison entre les deux cinéastes ne va toutefois pas au-delà de la présence commune, chez eux, d’un souffle quasi surnaturel. Le lyrisme de Rocha est de l’ordre de la fulgurance rêche tandis qu’A la gauche du père baigne dans une fièvre plus humide. Mais la même envie de transcender un territoire (le Brésil, qui pourtant laisse son empreinte terreuse dans chaque plan), pour en découdre avec l’universel (les grands antagonismes fondateurs : l’ordre et la transgression, le sacré et le profane, etc.) traverse leurs œuvres respectives avec une force incantatoire inouïe.
A la table d’une famille de Libanais exilée au Brésil, à la gauche du père, il y avait André, le fils rebelle étranglé entre les sermons du père et la tendresse étouffante de la mère. Parti se perdre à la ville, il est rejoint par son frère aîné chargé de le ramener à la maison. Mais avant, dans la chambre obscur d’une pension, il lui aura raconté les raisons de son départ, sa révolte contre l’ordre du monde qui l’a conduit à commettre l’inceste avec sa soeur, la brûlante Ana. Ce vaste chant de l’incandescence et de la démesure -près de trois heures de ravissement sensuel- opère retours aux mythes originels (Antigone, et toute la tragédie grecque) et brusques envolées mystiques avec la même splendide ferveur faite de grâce et de poésie incendiaires. La magnificence de l’image et l’extrême richesse littéraire du texte (une coulée de lave charriant paraboles et métaphores dans la bouche de comédiens en transe), la présence presque suffocante des éléments premiers (terre, pain, soleil) et le climat d’extase permanente, tout, dans A la gauche du père relève d’une expérience sensorielle unique et sans retour où ce qui se joue -un grand récit prométhéen de subversion- est sans cesse rapporté à son immédiate traduction physique (le premier acte de contestation de l’ordre du monde, pour André, est de faire corps avec la terre, en y enfouissant son corps).
Gorgé de pulsations et de visions sidérantes, le film de Carvalho reproduit sur l’écran les sentiments primitifs de son héros (l’éblouissement devant l’Etre, le désir de créer ses propres valeurs, la volonté de puissance) avec une intensité et une énergie dionysiaque digne d’une tragédie d’Eschyle. Cette bouleversante variation sur le thème du retour du fils prodigue tire sa force d’une croyance absolue en un cinéma où priment les sensations vitales et la construction organique d’un espace-temps dans lequel la moindre vibration, le moindre soubresaut mental ou physique, se donne dans toute sa splendeur mouvante et irréductible.
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