Dernier bulletin en provenance de Corée : le cinéma de genre est stable, il se porte bien et en hautes comme en basses pressions c’est temps calme avec passages ensoleillés. Sans doute A Bittersweet life, réalisé par un nouveau venu dans le cinéma d’action, n’aurait pas eu le même impact s’il était sorti avant la vague des films coréens et le succès d’un Park Chan-wook et de son Old boy. Mais dans le genre, c’est très largement au-dessus de Old boy : nulle deuxième couche passée sur les impératifs du polar hystérique, pas d’autre esbroufe que celle propre à l’exercice de faire tenir deux heures de gunfight et de baston sur une intrigue anorexique. Celle-ci est facile à mémoriser : employé dans un hôtel de luxe mais aussi homme de main d’un mafieux local, Kim Sun-woo se voit confier pour mission de tenir compagnie à la jeune femme du chef. Kim Sun-woo découvre que sa protégée a un amant et laisse à ce dernier la vie sauve au lieu de faire ce qu’il convient en ces circonstances (mettre une balle dans la tête de l’indélicat). Le boss n’est pas content et pour lui faire sentir son courroux, torture Kim, l’enterre vivant et autres caresses. Le film a commencé depuis une bonne demi-heure, il reste à Kim trois fois plus pour se venger et tuer tout le monde. Entre le polar Armani à la Johnny To et le manga trip façon Lee Myung-se, A Bittersweet life fait figure de film moyen, intermédiaire, un rien frimeur mais plutôt honnête quant à ses présupposés et la satisfaction de son cahier des charges.
N’empêche : il serait bon que le néo-polar asiatique en termine avec ses histoires de vengeance et ses scénarios binaires. C’est raté pour cette fois. Si A Bittersweet life comble l’amateur de bastons 100% bibimbap, il n’en reste pas moins qu’éclate, à sa vision, la vanité de cette rhétorique de la vengeance, et de tout le folklore qui va avec : grosses bagnoles à vitres fumées, black costards sur mesure, lunettes noires pour nuits blanches passées sous la pluie à torturer d’autres types en Armani. Vanité, tant que tout cela sera non seulement capitalisé, mais reproduit à l’identique de film en film. Principe du cinéma de genre, dira-t-on. Oui, mais si nous croyons beaucoup au genre, nous ne croyons pas non plus qu’il se perpétue par simple photocopie. Etre iconoclaste ou affiner sans cesse les codes restent les deux meilleures manières de faire travailler le genre -se contenter de les faire mousser pour un soir demeurera toujours plus limité.