De la production rapide, massive et au final peu intense de Michael Winterbottom, 9 songs apparaît comme un précipité. Exercice de style fabriqué dans la vitesse, le film reprend de volée le programme qu’il propose et feint de l’explorer quand, en fait, il ne fait que le survoler. C’est l’image d’un des deux protagonistes du film à bord d’un petit avion, volant au-dessus de l’Antarctique. Lancé dans les airs, il survole le continent de glace et se livre à quelques menues réflexions sur ce paysage hors-monde. C’est le mouvement du film. Le continent, c’est le sexe, dont 9 songs entreprend de livrer une image crue, dont la nudité serait en même temps le commentaire. Le coucou, c’est Winterbottom, qui n’aime rien tant que filer dans le vide et surplomber ce qu’il met en scène.
Interdit aux moins de 18 ans, 9 songs conte la liaison brève et néanmoins tout à fait charnelle d’une étudiante américaine et d’un jeune scientifique londonien. Tous deux sont amateurs de pop-rock et se rendent aux concerts de la Brixton Academy. Scènes de live -Black Rebel Motorcycle Club, Franz Ferdinand, The Dandy Warhols, Primal Scream…- filmées un peu à l’arrache, pour fixer sur DV l’effervescence éphémère de la scène. Trois plateaux sont disposés en domino : la scène du sexe, celle du rock, celle de la nature. Et Winterbottom navigue de l’une à l’autre, proposant une poignée d’inéquations en guise de dialectique. Ephéméride du sexe, qui ouvre sur l’éternité ; temporalité du rock, brève et intense, performance mémorable ; immuabilité angoissante du grand Tout de la nature. Simplisme de cette arithmétique érotique, où Winterbottom fait de Bataille un animateur de MTV. Il y a une propriété magique du cinéma auquel le cinéaste anglais croit sans précaution : filmer l’instant (acte sexuel ou concert), c’est filmer au-delà de lui un horizon qui est un gouffre. Winterbottom y croit tellement que l’effet de pareille opération occulte s’annule complètement. De la scène de la Brixton Academy au continent blanc, du feu dans le lit des amants à la banquise, tout s’annule dans cette méditation du pauvre sur le vertige du sexe. Reste l’impression, tenace, que Winterbottom a voulu s’essayer au film érotique pour voir ce que c’est, se cherchant des alibis qui, in fine, trahissent la faiblesse de son inspiration.