D’abord, la liste, par genre. Caillouteux : Les Contrebandières et Une Aventure de Billy le kid ; mélodieux : Brigitte et Brigitte et Parpaillon ; médical : Anatomie d’un rapport et Genèse d’un repas ; biographique : Les Sièges de l’Alcazar et L’Homme des Roubines, doc sur Luc. Ou encore, énuméré autrement : Western maigrichon (Une Aventure de Billy le kid), romanesque féminin mexicano-parisien (Brigitte et Brigitte, Les Contrebandières), alpino-cyclisme déglingué (Parapaillon), doc alter mais angoissé (Genèse d’un repas), love story impossible sur fond de politique des auteurs (Les Sièges de l’Alcazar), home-movie sexologue (Anatomie d’un rapport). C’est dire si les quatre galettes cuisinées par Blaq Out, si elles permettent de faire un tour du côté d’un vrai marginal, ne sauraient épuiser les milles curiosités d’une oeuvre éclatée. On connaît Luc Moullet critique, cinéaste, écrivain de cinéma, toutes fonctions agrafées d’une même étiquette : loufoquerie. Mais sérieux aussi, quand Moullet parle de cinéma, ou réalise Genèse d’un repas (sur l’exploitation du Sud par le Nord) et Anatomie d’un rapport (sur la sexualité dans le couple), dans lesquels la rigueur du propos côtoie de réjouissantes astuces de mise en scène. Ce n’est pas de l’ornement, mais Moullet estime qu’on n’a pas besoin de s’ennuyer ou de se draper dans une toge académique pour aborder des sujets graves, et il a raison.
Il y a toutefois dans ce cinéma un peu nu, qui tente l’impossible union de l’austérité, du dépouillement et d’un permanent souci comique, quelque chose d’ingrat, de râpeux. L’époque ? Elle y est pour beaucoup, surtout les années 70, les années sous-pull. Anatomie d’un rapport raconte méchamment cette époque-là. Et la mise en scène de Moullet, telle qu’elle se déploie dans ses fictions, Les Sièges de l’Alcazar, Parpaillon ou Billy the kid, a toujours affaire avec une sorte de dénuement un peu rugueux, un peu rêche, qui rend parfois difficile la quête du plaisir : plans longs et taiseux, ou bien parole distribuée sans fond sonore. Comme celui de Jacques Rozier, le cinéma de Luc Moullet doit se débattre avec ce paradoxe là : films assez difficiles d’abord, tandis qu’ils sont réputés pour leur drôlerie. D’où le fait qu’il est peut-être moins aisé qu’on veut bien le dire de prendre un grand plaisir à voir ces films par ailleurs brillants, bien sûr. Se méfier, donc, de qui claironne un peu trop fort une immédiate adhésion à un cinéma qui réclame patiente.