En ce jour frileux de fin d’année, où la dinde aux marrons commence à pointer le bout de son bec, qui a franchement envie de se ruer dans une salle de quartier pour reluquer la dernière livraison world cinéma de l’année ? Pourtant, par sa décontraction à la limite de la désinvolture, cette petite farce uruguayenne séduit sans effort. Dénuée des habituelles ambitions sociales et exotiques qu’affiche un certain cinéma tiers-mondiste, 25 watts claironne joyeusement qu’il n’a rien à dire. Les deux apprentis cinéastes Pablo Stoll et Juan Pablo Rebella suivent une journée pleine de vide de trois copains vingtenaires. L’un, en passe de terminer ses examens fantasme sur sa prof de soutien, l’autre, apôtre de la glande, exécute sans passion un petit boulot ringard. Quant au troisième, il tente par tous les moyens de regarder tranquillement un porno.
Prise de risques zéro, tel est le credo des deux cinéastes. Dégraissant l’étude sociologique et le désarroi adolescent, le tâtonnement de la mise en scène est érigé en dispositif. D’abord stylistique, 25 watts s’inscrit sans réfléchir dans une chronique noir et blanc toute en posture. Sans prétendre à l’égaler, on y convoque souvent Jarmusch, pour se servir de ses attributs primaires. Le film se remplit alors tout seul, au petit bonheur la chance, laissant la responsabilité dramatique aux trois larrons. Histoire de justifier la paresse filmique, mais surtout de capter efficacement la sensation de la nonchalance. Le film réussit malicieusement à jouer de ce carburant imprévisible, amas de micro-tensions qui entrouvre une multitude de pistes : échecs sentimentaux, fierté, frustration, repli sur soi… En trottinant ainsi à son rythme, 25 watts enregistre ce qu’ont délaissé toutes les récentes chroniques adolescentes, d’Elephant à Laurier blanc. Ici, pas de description rigoureuse et stylée, d’hystérie ou d’implorants cris d’amour, mais la mise en place d’un espace flottant plein de déchets où, derrière la cool attitude, se cachent parcimonieusement malaises et cris du cœur. Déjà pas mal, mais le film n’aura rien d’autre à offrir. Peut-être une vague spéculation, entre fruits de mer et chapon : quel avenir pour le tandem uruguayen ? Quinzaine des réalisateurs cannoise, Sundance, Hollywood ou disparition pure et simple ? Qu’importe. Pour une sortie réduite de Noël, 25 Watts n’en garde pas moins la saveur d’une petite douceur.