De Niro se tient devant le miroir. « Will you marry me ? » se répète-t-il, tendant l’alliance qu’il souhaite passer au doigt de sa dulcinée. Echo ironique du célébrissime « You’re talking to me ? » prononcé 25 ans plus tôt chez Scorsese, la séquence amuse. Hélas, on ne peut s’empêcher de trouver quelque peu pathétique ce pastiche, tant il révèle le triste itinéraire d’un acteur autrefois magnifique chez De Palma, Scorsese, Leone, Coppola, Cimino… (qui dit mieux ?), devenu bête à performances chez Penny Marhall, Tony Scott, Joel Schumacher (qui dit mieux ?)…
Avec 15 minutes, De Niro aurait pu malgré tout tomber plus mal ; le film de John Herzfeld est effectivement plus ambitieux que nombre de ces blockbusters musclés transgéniques qui déferlent habituellement sur nos écrans nationaux. Pourtant, en s’attaquant au monde des médias, à l’imaginaire de l’image, le réalisateur ne joue pas vraiment la carte de l’originalité… Mais Herzfeld réussit, au début du film, à faire quelque chose de cette idée, multipliant les signes, les pistes, les correspondances entre la réalité et l’illusion : son cinéma de l’image est un miroir réfléchissant de la société, elle-même gangrenée par les images. On trouve ainsi, pêle-mêle, dans 15 minutes, des flics suivis de près par des journalistes, des hommes de télévision prêts à tout pour gonfler leur audimat et, surtout, des tueurs cinéphiles débarquant des pays de l’Est au pays de l’Oncle Sam, filmant leurs tristes exploits en caméra numérique, pour la postérité et pour Hollywood…
De ces divers éléments aurait pu surgir une véritable réflexion sur l’image et sur la mise en scène, mais non, Herzfeld a préféré être aussi superficiel que ce qu’il prétend dénoncer : aux boursouflures de la société répondent celles de sa réalisation, à l’envahissement de l’espace privé le réalisateur oppose une insupportable musique groovy-sirupeuse. Bref, au vide intellectuel et moral de notre monde (ou, plutôt, du monde embrassé par la caméra de John Herzfeld) correspond effroyablement celui de son cinéma… Dès lors, on ne sait plus très bien où veut en venir le cinéaste : dénonciation du « tout-image », des images violentes et influentes, ou ironie mordante sur le phénomène (à la « Wes Craven »), histoire de suggérer que tout ça n’est pas bien sérieux, qu’il faut arrêter de se prendre la tête ?
On saisit en revanche beaucoup mieux ce qu’il veut nous dire sur la justice et la loi, sur la police impuissante face aux médias, sur ce pays « où ça paie d’être un tueur » (combien de décharges électriques sur la chaise du même nom ?), passons. La seule solution pour Herzfeld ? Flinguer les criminels avant que les tribunaux ne s’occupent d’eux et ne les relâchent… Au moins, là, c’est clair.