« Et surtout, rappelez-vous : n’achetez jamais ces saloperies de canifs premier prix fabriqués en Chine ! ». Voilà pour la belle leçon de vie offerte par 127 heures, nouvel éclat de génie de Danny Boyle, aventure époustouflante aux confins de l’extrême inspirée par le récit d’Aron Ralston, randonneur imprudent mais couillu qui passa six jours au fond d’un canyon, la main coincée sous un rocher. Equipé d’un caméscope, le bougre avait filmé son calvaire, depuis sa crevasse : aubaine pour Boyle, qui y trouve un épatant parti-pris de mise en scène, et, au passage, un vrai défi pour son cinéma. Comment filmer le surpassement mental d’un quidam coincé dans un trou ? S’attaquant à un scénario aussi opiniâtrement vide – tiré du livre écrit par le rescapé -, l’Anglais allait-il trouver matière à calmer son hystérie, à la noyer dans une forme d’épure extrême ?
Pas exactement. Sans hésitation, Boyle résout le problème en déployant une imagerie de campagne publicitaire pour la World Company. L’intensité psychique de l’expérience, partiellement fantasmatique et hallucinatoire, est l’occasion d’amonceler les mini-clips pêchus dont le réalisateur a le secret. Loin de la claustrophobie annoncée, on subit donc un cauchemar fun et bigarré, tout en flashs-backs mélos sur fond de pop racoleuse. James Franco a beau grimacer, les artifices annihilent toute possibilité d’empathie ; son esprit ressemble à un vortex de crétinerie, où la soif se signale par des pubs pour du soda ou des séjours en parc aquatique, le film progressant au rythme pavlovien et constamment navrant de ces associations balourdes. Mais le plus embarrassant au fond n’est pas tant la méthode que l’aboutissement : mû par les bons sentiments que l’on sait, Boyle se fait un devoir de rendre hommage à la témérité, à l’amour et à la bravoure qui, voyez-vous, ont sauvé Ralston d’une mort certaine. La démonstration donne lieu à une débauche de visions familiales d’une mièvrerie confondante, culminant dans un pic d’horreur quand le grimpeur se retrouve confronté à son homologue réel (façon Dujardin / Beigbeder dans 99 francs) : tableau plutôt malaisant, où l’imaginaire de mauvais goût contamine la réalité de son atrocité kitschissime. Autant dire que Boyle, cinéaste de l’extrême, s’est vraiment surpassé.