Du réalisateur américain Michael Cuesta, on se souvient de L.I.E., beau film emprunt de justesse, modèle d’équilibre entre étude de caractère et son arrière-plan sociologique banlieusard. 12 and holding retente le coup version polyphonique. Cap sur une petite bourgade du Middlewest, ses lotissements proprets, sa forêt, ses chemins de fer. Suite à la mort accidentelle d’un gamin brûlé dans une cabane par un cocktail molotov lancé par un camarade insouciant, la communauté enfantine est en émoi. Le petit frère du défunt, 12 ans, le visage marqué par une tâche de vin souhaite la mort du petit criminel, pré-ado délaissé par sa famille. Sa copine, fille de psy, en pince pour un bel ouvrier trentenaire. Son gros copain décide de maigrir au grand dam de sa mère, mastodonte ricaine qui ne vit que pour la sainte malbouffe.
Chaque entité a donc son film, principe finalement pas si éloigné de l’horrible Selon Charlie, pendant bourgeois français qui tentait de décrypter l’humeur hétéroclite d’une petite ville de province. Le problème vient donc de cette tendance à mettre en perspective une historiette par rapport à une autre, comme si aucune ne pouvait s’arroger le droit de constituer un film à part entière. La globalisation tend alors à galvauder chaque force vive du film. L’histoire de l’enfant à la tache de vin par exemple, récit d’intériorité de plus en plus sourd et opaque est sans cesse délayé par des intrigues plus légères et triviales, elles-mêmes réduites à l’état de garnitures superficielles. On peut presque y voir une certaine négation du film par rapport à son sujet, en tout cas une maladresse consistant à mettre en compétition la détresse enfantine. Le spectateur n’a donc pas le choix, il picore à droite et à gauche mais considère naturellement la détresse des uns comme subalterne par rapport à celle des autres.
Du coup, Cuesta se contraint à épaissir le trait en relançant l’intrigue par quelques faux semblants. Le flingue de l’ouvrier que la fillette découvre dans sa table de nuit, c’est un peu facile et grossier pour décrire à la fois la souffrance d’un type plaqué par sa copine et pour booster l’intensité d’une scène. L’ambition de portraiturer (l’atout numéro un du cinéaste) ne se suffit donc pas, et c’est toute la justesse du film qui s’en trouve escamotée. L’intérêt est ailleurs : il ne suffit plus de jongler entre trois intrigues parallèles mais de les relier et d’en tirer un message commun. A nouveau le syndrome Selon Charlie refait surface : complaisance du télescopage, mise à plat existentielle archi-artificielle (on est tous différents, mais dans le fond on est tous pareil) avec une dose de noirceur pour densifier le tout. 12 and holding n’est malheureusement pas un film, c’est une formule.