Une chose est sûre : Yukito Kishiro est sans aucun doute le plus grand fan du cultissime Rollerball de Norman Jewison. Limite traumatisé même : avant Ashman, manga entièrement consacré à ce sport futuriste et sanguinaire, Kishiro nous avait déjà fait le coup pour Gunnm et n’hésite pas à nous caser de longues tartines bien documentées sur le sujet.
Quoi de mieux finalement qu’une bonne séance de Motorball pour apprendre à se connaître ? En pleine crise existentielle après la mort tragique de Yugo, Gally avait trouvé un expiatoire rêvé dans un sport qui ne demandait qu’à libérer ses pulsions les plus haineuses. Véritable détonateur, la rencontre avec Jushugan remet les pendules à l’heure de la belle et lui donne enfin un but à sa vie : battre le champion de la première division. Ou comment une fois de plus une boucherie de masse sert de tremplin à une méditation métaphysique salvatrice. Généalogie des forces, quand tu nous tiens… Autant les deux premiers tomes esquissaient plusieurs des multiples facettes d’un monde en pleine expansion, autant ce troisième volume s’illustre par un sens du raccourci et un art de la fonctionnalité un peu trop remarquable. Après tout, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Deux blocs bien lisibles dressent à grands coups de marteaux l’alpha et l’oméga d’une ligne diégétique réduite à sa plus simple expression : rencontre d’une bande d’affreux jojos et constitution d’une équipe, puis le combat final contre un champion à bout de force, bref, l’occasion rêvée pour Kishiro de donner libre cours à son péché mignon. Combats à gogo dans tous les sens, giclée d’hémoglobine, et lancer de cortex à tous les étages, l’auteur n’évite aucun poncif du genre, déployant une rhétorique bien creuse au regard de l’épuration graphique et la force poétique présentes dans Ashman. Certes, la petite Gally accède à la joie d’éprouver ses limites ou comme diraient les bons pédagogues « d’avancer vers une meilleure connaissance de soi ». Et alors ? Cette thématique si rebattue dans les mangas japonais, des Saint Seiya à L’Habitant de l’infini, aurait mérité un traitement un peu moins mécanique : les effets de raccourcis sont si prononcés que Kishiro n’hésite pas à détruire en deux coups de cuiller à pot l’équipe pourtant accumulée au bout de combats jusqu’à plus soif. Et tout ça pour que Jushugan au bout de deux-trois combinaisons fusionne son corps aux éléments cybernétiques qui le composent et que la petite Gally retrouve Ido. De quoi frustrer le fan basique de baston qui s’attendait à un affrontement encore plus démoniaque et cathartique que cent épisodes de Dragon Ball mis bout à bout.
Les histoires annexes ne sont pas en reste et oscillent entre fouillis et inintérêt autant graphique que scénaristique. Entre la pauvreté du Doigt Subsonique, et la vengeance froide de Zapan, elles laissent un goût d’inachevé bien désagréable. Somme toute, une sorte de pause un peu ennuyeuse avant les épisodes plus conséquents de la découverte de Zalem, la cité interdite.