Strip-tease, sa musique de fanfare, ses petits commentaires introductifs vachards et attendris, récités par une voix maline et aguicheuse. Strip-tease, la vie et l’oeuvre de quelques Deschiens d’outre-Quiévrain, petit théâtre de la cruauté fixant en un petit quart d’heure de reportage télé l’éternité du voisin : ici un petit nazillon demeuré, là des mamies bavardes, là encore un chirurgien esthétique charcutant, cigare au bec, mamelles en plastique et fesses lipo-sucées. Petit traité de belgitude, réellement borderline. Qu’est-ce qui le sauve, in extremis ? Sûrement pas les interrogatoires off, les raccords qui tuent, les gros plans sans pitié. La célèbre émission télé n’est jamais meilleure que lorsqu’elle se contente d’un rapport strictement bazinien au réel, simple caméra porte-à-porte qui nous emmène à la découverte de nos voisins. Il n’empêche, Strip-tease possède une force incroyable et presque rebutante par les ruptures de ton qui parfois font basculer les reportages. Regardez par exemple « J’aurai ta peau ». Un couple de quinquas en adoration devant leur chien mort, empaillé sur la télé. Les enfants mal-aimés devenus grands, jaloux des chiens, ont fini par le zigouiller. C’est hilarant de loin, mais triste à pleurer. Strip-tease en DVD ? Rien de plus normal : scènes mythiques à voir et à revoir, grands moments pathétiques à déguster entre amis, anthologie de la Belgique. Mais Strip-tease au cinéma ? L’émission tourne en salles depuis quelques temps, conjointement à la sortie DVD, mais il faut mesurer aussi combien un certain cinéma basé sur les athlètes de la beauferie, nourri de belgitude, n’a rien inventé : Les Portes de la gloire, Les Convoyeurs attendent, Le Vélo de Ghislain Lambert, bref, les Poelvoorde-films. Il suffit de voir les larmes d’une boutiquière devant la statue en bronze de Cloclo qu’elle et ses amis ont financé : Podium, l’héroïsme de carnaval, rien de très neuf, plutôt un pas de trop, regrettable.
Un dernier pour conclure ? « Une délégation de très haut niveau » (2000), morceau de bravoure de 52 minutes sur les traces d’une troupe de parlementaires belges en Corée du Nord -et, au passage, première télé occidentale à pénétrer au pays du leader céleste Kim Jong-il depuis une dizaine d’années (mais Strip-tease se glisse partout, même dans les caves du Vatican dans). Reportage terrifiant et tordant, où la « délégation de très haut niveau » se fait balader par les hommes du président. Willy Burgeon, déphasé leader du petit groupe fut mis à la retraite dès son retour. Il faut le voir s’enthousiasmer sur la qualité de l’enseignement nord-coréen devant une maternelle de petits robots endoctrinés ; affirmer tranquillement que la propagande des journaux français livre une fausse image de la radieuse Corée du Nord ; réclamer son repas ou une excursion touristique quand son collègue, soudain pris d’un éclair de lucidité, voudrait voir un marché, un hôpital, puisque le pays est censé souffrir de famine. Willy au pays des Soviets, le pauvre homme.