Derrière ce titre barbare, se cache le premier manga traduit en français de l’une des stars de la BD au Japon, à l’égal d’un Naoki Urasawa (Monster) ou d’une Rumiko Takahashi (Inu-yasha). Plutôt spécialisé dans les comédies sentimentales mâtinées de sport, dont l’archétype demeure l’interminable Touch (Théo ou la batte de la victoire, pour la VF du dessin animé aperçu sur la 5), Misturu Adachi s’essaie avec Niji-iro Tohgarashi à une saga historique élégiaque et totalement fantaisiste.
Shichimi (15 ans) vient de perdre sa mère et, alors qu’il pensait être seul au monde, se découvre cinq frères et une soeur, tous nés de mères différentes et habitant la maison longue Karakuri : la teigneuse mais mignonne Natane (13 ans) ; Chinpi (10 ans), une sorte de Géo Trouvetou pré-pubère ; Sanshô (3 ans), le benjamin et déjà apprenti ninja ; Keshi (18 ans) bonze bagarreur ; et Goma (22 ans), l’aîné, acteur. Manque le charismatique Asajirô (20 ans), samouraï et peintre à ses heures perdues, qui a déserté ce cocon familial recomposé pour aller courir l’aventure. Quant au gérant de la maisonnée, Hikoroku, il est seul à connaître l’identité de leur géniteur commun. Au cours de ce premier volume, on apercevra également une fine lame taciturne répondant (parfois) au nom de Furon, et une jolie étrangère, échouée sur le littoral et coiffée d’un chapeau de cow-boy. Tandis qu’une soucoupe volante s’écrase non loin de là…
D’emblée, on est prévenu : « Cette histoire se passe dans le futur ». Pourtant, le cadre du récit évoque le Japon médiéval. Réponse du narrateur : « Mais je l’ai pourtant déjà dit au début, faites un peu attention ! Cette histoire se passe dans le futur ». Bon, on se le tient pour dit. D’autant qu’il ne s’agit là que d’une des nombreuses facéties d’Adachi, qui s’amuse à truffer son récit de commentaires anachroniques et d’autoréférences. Ainsi, à Shichimi qui le menace afin d’apprendre l’identité de son père, Hikoroku rétorque : « Pense un peu à la condition de l’auteur, il ne peut pas révéler ça dès le premier chapitre du premier volume, voyons« . Ces réparties -qui rappellent l’humour caractéristique du père du manga moderne, Osamu Tezuka- renforcent la sensation de se trouver face à un chambara pour rire, à la narration libertaire, où le Shôgun est un père tranquille amateur de gadgets, et où l’on passe plus de temps à flirter qu’à se battre.
« Cette histoire ne serait qu’une « love comedy » déguisée en saga historique ?! « , s’interroge à juste titre Shichimi. Difficile en effet de savoir où Adachi veut en venir, et c’est très bien comme ça. On se délectera sans complexe de la précision millimétrique de son trait, de l’adorable design de ses personnages, et d’un découpage qui tient de l’épure. A des années-lumière du tempo hystérique et de la sur-expressivité démonstrative de certains mangas, il se dégage de Niji-iro Tohgarashi une virtuosité modeste et une sérénité rafraîchissantes.