Tous les arts, tous les médias ont leur version du mythe de Faust et il n’y a aucune raison pour que la bande dessinée y échappe. Ainsi Dhoyen et Crespin poursuivent aujourd’hui chez Casterman leur évocation faustienne dont le premier volume avait été publié par Vents d’Ouest. Ce dernier racontait l’enfance de Faust. Evidemment un peu comme dans un récit historique on pourrait se dire qu’on connaît déjà la fin de l’histoire, mais il y a toujours un peu de magie à ajouter à croire qu’un mythe tel que celui est éternel non seulement par sa portée, sa symbolique mais aussi par sa capacité à être toujours réinventé.
Ici, pas de spectaculaire outrancier, de découpage infernal. Le Diable n’est pas spécialement mis en avant, c’est bien le cheminement de Faust que les auteurs ont choisi de nous faire suivre, nous montrant son arrogance, son ambition, sa soif de savoir quasi aveuglante qui poussera un personnage à dire de lui: » Il sait beaucoup mais ne se connaît pas. » Il ne se connaît peut être pas mais pour autant il ne se fourvoie guère . Il semble avoir trouvé sa voie, une voie qui effraie les êtres sensibles, une voie qui le perdra. Et l’originalité de ce Faust est sans doute dans le fait que si l’on ne voit pas véritablement le Diable, c’est qu’il est déjà passé par là convoqué par Faust en même temps que Dieu.
Mais l’abord n’est pas la seule qualité de cette bande dessinée, le traitement lui aussi est assez remarquable. Le trait délicat de Crespin et ses atmosphères aquarellées confèrent au récit une certaine théâtralité. Est-ce vraiment un hasard ? Parlons alors de la mise en scène qui, elle aussi, est impeccable : ainsi, lors de la conversation entre Faust et son oncle, cette silhouette encapuchonnée qui passe silencieusement du premier à l’arrière-plan, disparaît, éclipsée par la beauté de Celina, pour ensuite refaire une apparition quelques cases plus loin. De la même façon, on aura entendu avec plaisir les différentes voix des convives au cours de la scène du banquet et on aura été sensible au suicide orphélien de Celina. Avec un thème universel L’étudiant parvient à rester un album discret, simple et beau : un album rare.
Pascal Salamito