Le titre donné à cette série de Merlin est certes évocateur : Jambon et tartine. Ce premier tome retraçant les pérégrinations d’un Merlin tout droit sorti de l’imaginaire de Sfar et Munuera, met en scène l’apprenti magicien et ses virées solitaires dans une forêt de Brocéliande peuplée de monstres, de fées et autres lutins malicieux. Jambon et tartine sont les deux camarades de jeux, les deux complices du petit Merlin qui voudrait décrypter au plus vite les formules magiques, et par conséquent prouver aux autres enfants du village qu’il possède bel et bien un don. Jambon est un cochon qu’il rencontre dans la forêt et qui se met miraculeusement à parler, Tartine est un ogre peu ordinaire qui a la réputation de manger les enfants désobéissants. Ce trio infernal se met en tête de kidnapper la princesse Viviane, petite peste hargneuse qui aurait besoin d’une bonne leçon…
La fable de Merlin, version Sfar et Munuera ne manque pas de charme. Le délire des deux auteurs est palpable à chaque page. Les dialogues sont corrosifs et musclés, la palette de couleurs est généreuse, les personnages expressifs et drôles. Néanmoins, un petit regret : trop de pistes inexplorées, des bonnes idées qui ne forment pas toujours une cohérence, parce qu’elles sont juste effleurées. On s’attend à un portrait un peu plus fouillé du personnage de Merlin, dans une veine fantaisiste, cela va de soi. Cela tient sans doute au fait que le lectorat qu’il est censé toucher est très vaste. Il est dit que cet album s’adresse aux enfants comme aux adultes, et le mélange de références destinées aux deux publics dessert les intentions et annule les effets escomptés. L’imaginaire des enfants est comblé par les dessins, la dérision et l’ironie de certains propos et de certaines situations s’en trouvent décalés. Mais Merlin doit trouver ses marques et éprouver ses formules avant de gagner son titre d’Enchanteur ; la suite devrait donner raison à ce parti pris inventif.