Sous-titré « chronique de l’après-Hergé », Tintin et les héritiers retrace la succession de Georges Rémi, véritable nom du créateur de Tintin et Milou. D’Hugues Dayez, les amateurs de bande dessinée peuvent connaître Le Duel Tintin-Spirou, excellent recueil d’entretiens entre le journaliste et quelques protagonistes de « l’âge d’or de la BD franco-belge ». Dans ce livre publié en 1997, Dayez réussit à travers ses questions à faire ressortir les spécificités des deux hebdomadaires et leur « philosophie » artistique -un ouvrage d’une grande intelligence. Si Le Duel Tintin-Spirou intéressera avant tout les amateurs de BD, sa lecture est recommandée aux étudiants en communication (pour l’histoire de la presse) mais aussi à tous ceux qui, sans être passionnés de bande dessinée, désirent parfaire leur culture générale.
Tintin et les héritiers décrit l’histoire de la gestion des droits moraux et commerciaux de toutes les créations d’Hergé depuis la mort de celui-ci. Hugues Dayez rapporte minutieusement les faits, présente clairement les protagonistes et cite toutes ses sources. Par la richesse involontaire de son sujet, il est à même d’intéresser plusieurs catégories de lecteurs. Tout d’abord parce que Tintin et les héritiers se lit comme un roman retraçant la saga d’un fondateur d’empire et de sa « descendance » -toute proportion gardée, le lecteur percevra comme une petite atmosphère Largo Winch… Ensuite parce que ce livre se destine involontairement à être étudié dans les écoles de commerce ! Il aborde (sans entrer dans des détails analytiques ni théoriques) trois aspects du monde économique : la direction d’une entreprise (avec choix stratégiques, lutte pour le pouvoir, rôle de la communication, etc.), les mécanismes de fonctionnement d’une holding (relation d’une société mère avec ses filiales, utilité de celles-ci…) et la gestion des droits dérivés (produits issus du monde d’Hergé, licences et contrôle). Enfin les passionnés de Tintin -qu’ils soient spécialistes pointus ou amateurs dilettantes- ne peuvent manquer de trouver dans cette analyse de nombreux détails, des plus secondaires aux plus importants, sur l’objet de leur passion. Notons à ce propos qu’un index des noms de personnes aurait été le bienvenu…
Seul reproche à l’encontre de l’ouvrage : le ton employé pour parler de Nick Rodwell (le mari de la veuve d’Hergé). En effet, si l’enquête et la relation des événements semblent objectifs, le lecteur ressentira vite une certaine « réticence » d’Hugues Dayez vis-à-vis de Nick Rodwell. Ce défaut pourrait être gênant si tous les faits ne semblaient malheureusement donner raison au journaliste : la politique de Nick Rodwell est pour le moins surprenante, pour le pire maladroitement mercantile… Mais, et l’auteur le précise bien dès son avant-propos, il est « tintinologue dans l’âme », ce qui peut expliquer cette attitude, le sujet déchaînant facilement les passions.