Apparue dans les pages du journal Spirou au milieu des années 80, la série Broussaille charma rapidement par son contenu : une approche écologique, une certaine forme d’aventure et une nuance de fantastique. Le quatrième titre, Sous deux soleils, publié après onze ans d’interruption de la série, est un titre judicieux puisqu’il regroupe deux histoires inspirées par des voyages de Frank au Japon (Le Discret pouvoir de Jizô) et au Burundi (Sandrine des collines).
Les qualités des albums précédents sont toujours présentes et en font une œuvre remarquable de légèreté et de sensibilité, qui touchera un large public. Le dessinateur, Frank, est passionné par la nature, passion que le scénariste, Bom, exploite à merveille. Ils nous font partager leur conception d’une écologie non politique, une écologie « qui vise à un meilleur équilibre entre l’homme et son environnement ». Démarche parfaitement réussie et qui montre la volonté des auteurs de s’engager, sans prétention, avec leurs moyens. Frank précise d’ailleurs dans une interview : « Mes albums ne sont pas faits pour mettre des idées en avant mais pour partager une émotion, et faire passer des choses par cette émotion ». Et en effet, la poésie tient une place prépondérante au sein de la série Broussaille. Ici, elle se ressent aussi bien dans les situations que vivent les personnages (spectacle, rencontres, etc.) que dans les merveilleuses descriptions graphiques des scènes animalières.
Enfin, et c’est l’un des tours de force des auteurs, ils font évoluer Broussaille dans un quotidien simple et réel, légèrement teinté de mystère, mais sur lequel le héros porte un regard curieux, toujours empreint d’humanité. Ainsi les auteurs donnent à des événements qui pourraient paraître anodins à tout un chacun une dimension magique. Je pense plus particulièrement à ces quelques pages exceptionnelles avec des gorilles. Le dessin, le cadrage, l’action et les dialogues donnent un résultat superbe, très impressionnant pour une représentation graphique non animée. Quatre pages qui justifieraient à elles seules l’achat de cet album si le reste était dénué d’intérêt.
Mais Sous deux soleils se distingue des titres précédents par la maturité de l’histoire et de son traitement, maturité qui reflète l’évolution de Frank. En effet, entre les tomes 3 et 4 de Broussaille, Frank a commencé Zoo avec un autre scénariste, Philippe Bonifay, destiné à un public plus « adulte » (deux tomes sur trois sont parus à ce jour, voir la présentation de la collection [lien] Aire Libre). L’influence de Zoo se ressent fortement dans le tome 4 : Broussaille n’est pas devenu que graphiquement un jeune adulte, il en a maintenant la vie, les préoccupations et surtout la psychologie et le comportement (dans un sens positif). Enfin, la narration est un peu plus complexe que dans les titres précédents. Le récit gagne en force et en subtilité : une lecture plus approfondie est nécessaire pour profiter pleinement des richesses de cet album. Avec ce tome 4, la série atteint un niveau supérieur. Avec une grande maîtrise, Frank et Bom commence à créer « une œuvre » sincère et poignante, à l’image de leurs valeurs.