Il était un temps où Théodore Poussin travaillait à Dunkerque dans les bureaux d’une compagnie maritime, un temps où il s’ennuyait et rêvait à l’aventure. Désormais, il ne rêve plus, il est aventurier. Depuis 10 ans, les péripéties de ce globe-trotter ont su nous séduire par la limpidité de leur dessin et le charme des protagonistes. C’est donc avec un certain plaisir que l’on retrouve Théodore.
Cette seconde partie – on l’avait laissé en Malaisie avec de nombreuses questions en suspens – répond à toutes les interrogations suscitées dans le premier volet : la vie du prince est-elle en danger ? L’architecte mène-t-il un double jeu ? Théodore va-t-il tomber amoureux de Chouchou ? On en saura plus à ce sujet au cours de la plus belle scène de l’album, une conversation au crépuscule entre les deux personnages. Simplicité des couleurs, justesse des dialogues, clarté du trait, bref une alchimie idéale ! Mais pourquoi ce parfait accord est-il troublé par une ligne, une simple ligne écrite, même pas dessinée, tout en fin de volume : « Ne m’en veuillez pas, Chouchou, mais notre compagnie vient de perdre un de ses capitaines et c’est à moi de prendre sa place ». Certes ce récit est qualifié de « comédie des méprises », mais j’avouerai néanmoins avoir une petite préférence pour les surprises, les vraies, les bien amenées. Or, les coups de théâtre des dernières pages sont trop brusques, trop peu motivés pour être considérés à leur juste valeur.
Cette cascade de révélations nous est présentée non pas par une planche classique mais par un dialogue illustré. Le Gall utilise à plusieurs reprises ce procédé. Ceci confère au récit un côté vieillot. On croirait à ces moments-là écouter une dramatique radiophonique. Quant à la réelle utilité de ce procédé, elle peut laisser perplexe. Depuis sa création, cette série citant tour à tour Baudelaire, Tchékov ou Kipling a une connotation littéraire. Espérons que cette bonne réputation acquise à juste titre ne nuise pas au développement de notre bon ami Théodore.
Pascal Salamito