Fantax est de retour ! Fantax, le spectre bourreau que rien n’arrête. Fantax ! Ça vous change radicalement un môme des gentils toutous du journal Tintin ou Spirou. Lancé en 1946, les lettres de son nom jaune vif sur nuage pourpre (les couleurs du giallo !), Fantax est une absolue curiosité de la bande dessinée française. Gentleman fantôme dont on ne sait pas grand-chose sinon son nom, Lord Horace Neighbour, attaché d’ambassade qui siège au conseil de sécurité du monde libre, quand bien même il n’ignore pas l’impuissance chronique des démocraties à se prémunir efficacement des périls (jaune, rouge, noir, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel y passent) qui les menacent.
Japonais fourbes et cruels, werwolfs nazis revanchards, Al Capy, l’homme qui terrorisait New York, Fantax règle son compte à une belle brochette de vilains, car, revêtant la cape et la cagoule de l’auto justice, il n’hésite pas à combattre le crime avec ses propres armes. Le reste du temps, il rentre à la maison où la délicieuse Patricia, jolie pépée, mi-garce, mi-épouse, mi-secrétaire, sirote des drinks en attendant patiemment le retour de son mari. Digne croisement de Fantômas et de Judex, précurseur des fumetti neri (Diabolik, Satanik et autres Kriminal), le personnage rappelle aussi un vieux super héros oublié du Golden Age : L’Homme d’une heure, alias Hourman de Bernard Baily. Graphiquement, le dessinateur Chott, de son vrai nom Pierre Mouchot, connaissait ses classiques : Le Fantôme du Bengale, Tarzan de Hogarth. Il dessine les premiers numéros puis passe la main à ses collaborateurs (Robert Rocca, alias Bob Roc, Rémy Bordelet…), se réservant essentiellement les couvertures. Il semble d’ailleurs que, comme Jean Ray pour Harry Dickson, certaines couvertures étaient parfois le point de départ de l’aventure, Chott demandant alors à son scénariste de bâtir une histoire à partir des scènes principales qu’on voyait en première page. Comme dans La Torture du corbeau : « Fantax échappera t’il à la mort lente et atroce que lui destine le cruel et puissant Maharadja de Bramapoutrah… Quelle somme de courage et de lucidité a-t-il fallu à Fantax pour ne pas sombrer dans la démence sous la torture du corbeau, l’exécrable volatile qui lui déchirait les pieds à grands coups de becs voraces ». Que d’aventures, de bagarres ! De mystères ! Il faut se laisser porter par l’écriture automatique de J. K. Melwyn-Nash, derrière lequel se cache Marcel Navarro, le fondateur des Editions Lug.
Evidemment, ce climat d’extrême violence (Fantax ne sourit jamais) ne pouvait qu’attirer les foudres de la censure. Seul éditeur condamné en vertu l’article 2 de la loi scélérate du 16 juillet 1949, Chott est victime d’un véritable acharnement judiciaire qui entraîne sa faillite et le laisse usé prématurément. Pierre Mouchot meurt en 1967, à l’âge de 57 ans. C’est dire que cette réédition événement orchestrée par les petits enfants de l’auteur, Danièle et Tanguy Mouchot, se double aussi d’une belle histoire familiale : faire connaître l’œuvre et réhabiliter la mémoire de leur grand-père. Le tome 1 de Fantax est déjà paru (à commander sur editionchott.com). Il s’agit de l’intégralité des 8 premiers fascicules (inclues les sublimes couvertures couleurs) couvrant la période 1946-1947, restaurés par le dessinateur Reed Man, d’après les planches originales encore en possession de la famille. Un travail de titan. Un personnage mythique. FANTAX : même pas mort !