Après Vagues à l’âme et Noé, la collection Tohu Bohu s’enrichit d’un nouvel album. Lucie s’en soucie met en scène les tribulations d’une jeune femme qui négocie le tournant des 30 ans, non sans une bonne dose d’interrogations et de doutes sur son parcours et sur ce qui l’attend dans les années à venir. Lucie est une éternelle étudiante, on pourrait même dire une éternelle adolescente qui ne voudrait pas grandir trop vite. Idéaliste, rêveuse, animée de tous les fantasmes imaginables, elle aimerait bien qu’on la laisse poursuivre son petit bonhomme de chemin dans l’insouciance, mais il y a toujours une copine ou une collègue de travail pour lui rappeler qu’elle vient de souffler ses trois décennies de bougies et qu’il s’agirait maintenant de se prendre en main. « Mais ça veut dire quoi se prendre en main ? » se demande-t-elle. Elle ne nie pas que, avec quelques kilos en moins et autre chose qu’un gros chat à câliner, sa vie serait un peu moins monotone. Mais la leçon de morale qu’on lui assène jour après jour a vite fait de lui faire prendre le contre-pied. Alors, elle oscille entre la provoc’ et quelques sursauts de bonne volonté et passe allègrement du cours de gymnastique à la pâtisserie. Les copines sont bien gentilles avec leur certitude d’avoir trouvé l’homme de leur vie et d’être des femmes libérées… mais la réalité est moins rose. Elles ont beau être tirées à quatre épingles, soignées jusqu’au bout des ongles, ça ne les empêche pas d’être trompées par leur don Juan de mari ou d’avoir pour moitié un beauf qui ne jure que par le foot et les copains. Chacun son lot de soucis, se dit Lucie. Son souci à elle est de trouver un jour son prince charmant. Il faudrait qu’il soit beau et intelligent, bien évidemment, mais surtout qu’il ne lui en demande pas trop. Elle refuse l’image de mère au foyer et de cuisinière hors pair que sa famille lui renvoie lors de ses visites à l’occasion des anniversaires et autres réunions incontournables. Elle attend l’homme de sa vie s’il existe quelque part… Elle le voudrait drôle et spirituel, pas trop pressé de lui mettre la bague au doigt et la corde au cou. Elle est régulièrement persuadée de l’avoir rencontré au coin de la rue ou dans l’une de ces soirées dansantes essentiellement fréquentées par des couples bien installés.
Catel et Grisseaux savent de quoi elles parlent, elles sont elles-mêmes trentenaires. Elles s’amusent à décrire l’envers du décor. Elles nous font suivre pas à pas Lucie dans son intimité, dans ses doutes les plus profonds, dans ses interrogations restées pour le moment sans réponse. C’est un album de femmes, écrit par des femmes, mais qui devrait sans doute intéresser la gent masculine. En effet, les hommes peuvent par ce prisme observer les us et coutumes du sexe opposé lorsqu’ils ont le dos tourné. On retrouve les confidences et les conversations entre filles, les histoires de régime et de crème de beauté, traitées avec beaucoup d’humour et parfois de causticité.