Décidément, Hubert ne réussira pas à se défaire de son espionnite aiguè… Même lorsqu’il décide de ranger sa panoplie de détective dans son placard, un secret en chasse un autre et le voilà reparti sur une enquête que lui seul est en mesure de mener. Virage dangereux s’ouvre sur une énigme de taille. Hubert connaît bien sa ville et ses habitants. Doté d’un sens de l’observation surdéveloppé et d’une culture régionale impressionnante, il est capable de vous brosser le portrait de Beaulieu-sur-Morne en deux traits dominants. La grande spécificité de ce charmant village est qu’il dégage une odeur assez particulière… Quelque chose de difficile à définir… une odeur de pierre mouillée… de pourriture de verger… de papier peint moisi… deeee…. de cave ! c’est ça, de cave ! et en plus, les gens, ils sentent laaa…. Voyons voir… la fumée ! Oui, c’est bien ça, la fumée ! Mais là où ça se complique, c’est que Hubert a remarqué que son propre frère Bertrand, qui généralement ne sent pas très bon, parce qu’il néglige quelque peu de se laver, sent la cave et non pas la fumée. Hubert en perd son latin ! Qu’il sente la fumée… d’accord, mais qu’il sente la cave… non !
Bertrand n’est plus le même. Il ne bougonne plus pour les mêmes raisons. Il n’est pas bavard, ce qui n’arrange rien et il est même colérique, ce qui pose problème quand il s’agit de l’interroger. Lorsque la mère Favergeot, célèbre pour son avarice et son caractère acariâtre, demande à Hubert de rembourser les courses pantagruéliques que son frère vient de faire et qui ne sont pas pour autant dans le garde-manger, il n’y a plus de temps à perdre… Bertrand doit être filé.
Bruno Heitz poursuit son petit bonhomme de chemin en compagnie d’Hubert, épicier ambulant de profession et détective privé à ses heures perdues. Il ne pourrait en être autrement, car l’auteur a doté son personnage d’une dimension chevaleresque totalement décalée. Hubert est un personnage attachant, qui suscite la sympathie. Il démarre au quart de tour et se précipite dans l’action tête baissée. Chaque fois qu’il fait sa tournée et qu’il observe un fait inhabituel, il conduit méthodiquement ses recherches et savoure avec délectation ses moments de filatures qui le sortent de son quotidien. La campagne de Beaulieu-sur-Morne est à l’image de son nom : c’est un lieu a priori morne et déserté, mais qui renferme toutes sortes de mystères qui ne demandent qu’à être élucidés. L’univers d’Hubert est riche. Les aventures de ce petit bonhomme sympathique, à la fois débonnaire et têtu, sont toujours aussi comiques et loufoques. Passant du réalisme au fantasme, de la rumeur au fait divers, Bruno Heitz fait naviguer le lecteur dans un polar légèrement noir et satirique. Mais ce qui l’emporte, c’est l’humour de l’auteur et ses dessins triés sur le volet, terriblement explicites.