Comment dessiner la mémoire ? Celle des camps, celle d’une famille de juifs polonais pourchassés par les nazis avant d’être enfermés à Auschwitz. C’est avant tout à cette interrogation qu’a dû répondre Art Spiegelman, le créateur de Maus. Depuis 1980, il a élaboré l’histoire de sa famille (des années 20 jusqu’aux années 80), rescapée pour partie du camp, en dessinant une vingtaine de planches par an. D’abord publiées en revue, elles furent par la suite réunies en deux volumes, et dorénavant dans cette intégrale.
Par la voix d’un père évoquant ses souvenirs de guerre (ce dernier, d’un abord difficile, se révèle un véritable égoïste ; c’est là l’un des grands ressorts humoristique trouvé par l’auteur, qui ne ménage pas ce survivant) se succèdent les événements de cette Histoire tragique où les personnages ont des têtes d’animaux : les juifs étant représentés par des souris et les nazis par des chats. Au-delà, c’est bien à une réflexion sur la condition de gens ordinaires pris dans des événements qui ne l’étaient pas à laquelle nous invite Art Spiegelman. Dans Maus, métaphore criante de vérité, les scènes les plus insoutenables sont traitées avec une sobriété exemplaire. Elles ne font que renforcer la valeur de ce témoignage et notre admiration pour une œuvre d’un génie souverain.