Après le scénario des trois Jason Bourne, et le galop d’essai Michael Clayton, Tony Gilroy garde le cap de la mécanique paranoïaque, mais l’enroule, dans Duplicity, autour d’une intrigue sentimentale. Soit une espionne pour la CIA (Julia Roberts) qui rencontre un espion du MI6 (Clive Owen), et une love affair qui s’installe, en deux temps. Première rencontre, à Dubaï : les deux passent la nuit ensemble, mais la première, pour le compte de la CIA, dupe le second qui ne décolère pas. Deuxième rencontre, à Rome : la super espionne et le super espion tombent les masques, coupent les portables, et, sous la couette, tirent des plans sur la comète, décident de quitter leurs administrations respectives pour rafler le pactole là où il se cache, c’est à dire dans le privé. La première se fait embaucher comme espionne et contre-espionne au service d’un géant pharmaceutique sur le point de déposer un brevet révolutionnaire ; l’autre, en miroir, se fait engager par le concurrent, chacun se faisant agent double pour le seul compte de leur arnaque main dans la main. Sauf que, on s’en doute, le jeu de dupes se révèlera plus complexe, et la confiance réciproque des tourtereaux mise à rude épreuve.
L’idée n’était pas sans charme, d’ausculter la stratégie des rapports amoureux, façon théorie des jeux, dans le labyrinthe paranoïaque du complot, d’éclairer la logique des sentiments, comme logique du doute, depuis la structure tortueuse du récit d’espionnage. Le problème est que c’est un enjeu dont on voit assez vite, à s’user les méninges sur les entrelacs vains du récit (tout en flash backs et jeux de miroir grossiers), qu’il est le dernier des soucis de Gilroy, scénariste petit malin trop occupé à contempler les dédales de son script, pas fichu une seconde de donner vie à ses personnages, réduits à de la pure chair à twist, tombés de sujet en prétexte quand, précisément, le film promettait l’inverse. Qui manipule qui ?, demande la tagline. La fin donne la réponse. Mais à ce stade, il y a longtemps qu’on ne se pose plus la question.