Drôle de cinéaste que le frère de Nikita Mikhalkov, revenu du ventre mou d’Hollywood où il a longtemps végété (Tango et Cash et la chute de Stallone, c’était lui) pour offrir à ses compatriotes de la Russie post-Perestroïka un miroir déformant, saturé de visions baroques et grotesques. S’il se rêve en Fellini de la steppe, Konchalovsky offre plutôt un drôle de mélange entre Zulawski mauvaise période (celle de L’Amour braque) et Kusturica en pilotage automatique et complètement vidé de ses derniers films. Gloss n’échappe pas à la règle par son sujet, déjoué mille fois ailleurs : une satire du monde de la mode qui, articulée au récit d’une petite provinciale un peu plouc qui décide de monter à la capitale, se décline en une suite de tableaux tous plus téléphonés les uns que les autres (arrivée à Moscou, petits emplois minables, découverte d’une galerie de personnages obscènes, etc.). Et l’horizon du théâtre filmé, malgré la photographie joliment désuète du film, s’offre comme un bain d’acide à la ronde de cabots qui s’épuisent à chaque plan pour tirer – au mieux – un sourire au spectateur (le sosie de Karl Lagerfeld qui débarque au second tiers), au pire une suite d’irritations crispées (le sosie de Karl Lagerfeld, dès sa seconde apparition).
Puis vient le meilleur : le moment où le sosie de Karl Lagerfeld disparaît du film (au troisième tiers) et laisse Galia, l’héroïne, prendre le contrôle total du récit. C’est à Yuliya Vysotskaya, l’interprète de cette jeune plouc aux allures de poupée abîmée mais terriblement gracieuse (tout Gloss ne fait que jouer sur cette ambivalence), que revient alors de se laisser aller : son charme fou, ses divines minauderies emportent le film et lui permettent de s’élever, dans ses dernières séquences, à un niveau inespéré de mélancolie, de douceur et d’intensité dramatique. Aux prises avec un oligarque brossé en une poignée de plans saisissants (le jeu sexuel dans le yacht), Galia semble un automate qui prendrait vie par la magie d’une mise en scène soudainement libérée des ses boulets : tout le mérite en revient à la comédienne, qui semble tracer une ligne claire dans ce bouillon compact et peu ragoûtant de clichés (la directrice du magazine, un sommet) et offrir à Gloss son salut par la légèreté. L’état de survie artificielle de Gloss tient peut-être du miracle, mais il serait injuste de ne pas y voir l’enviable maturité d’un cinéaste trop vite enterré : cette capacité à laisser aspirer sa mise en scène trop mûre par ce qui lui semble a priori complètement extérieur (légèreté, fantaisie) en est la plus belle des preuves.