La secousse sismique Heroes aura définitivement ébranlé l’empire du super héroïsme. Par son déploiement sériel mieux adapté à l’essence de la mythologie urbaine du comics, la série télévisée de Tim Kring a changé la donne et a quasiment occulté le pouvoir, pourtant si fulgurant, du cinéma en la matière. Sans être la riposte messianique du 7e art face à la TV dans ce domaine (la magnifique saison 3 de Heroes confirme décidément le monopole absolu de cette dernière), Push a néanmoins le mérite de prendre une tangente. Il faut pourtant s’affranchir d’un avant-goût amer de déjà-vu devant le postulat du film de Paul McGuigan : une communauté d’anonymes dotés de super-pouvoirs est traquée par une Compagnie de technocrates, alléchés par le potentiel guerrier de leurs futurs cobayes. Pas de pouvoir propre à chaque super-héros ici : chacun appartient à une caste prédéfinie (télékinésistes, manipulateurs, médiums…). A l’instar d’un jeu de rôles, l’individu se plie à la norme collective, l’identité et ses tourments se diluant dans une pure efficacité de groupe.
Seulement, voilà : les scénaristes ont eu l’idée futée de déplacer le combat dans les ruelles de Hong Kong, lieu où l’anonymat de la masse et la puissance financière égalent New York (terreau par excellence des comics), le côté intemporel et artisanal en bonus. Si Push tire son épingle du jeu, c’est justement dans cette synthèse improbable de cinéma-vérité bricolé (certaines scènes seraient tournées en pleine rue, soi-disant sans filets) et d’amalgame entre cinéma bis hongkongais et culture geek. Cet aspect artisanal est peut être ce qui sied le mieux à Push, tant les scènes d’action détonnent par leur réticence à l’effet numérique, facilité habituellement employée pour ce genre d’exercice, tout comme le style caméra à l’épaule et le refus du montage stroboscopique parviennent savamment à masquer le budget mineur avec lequel le film se débat. Sensation confirmée par la scène de course-poursuite dans un marché au poisson : bien qu’approximative, la mise en scène de McGuigan finit par toucher par sa volonté de se raccorder à tout un pan du cinéma d’action asiatique (on pense notamment à Tsui Hark circa The Blade).
Sans pour autant troquer l’imagerie Marvel contre l’exotisme des fantômes chinois et des sabreurs voltigeurs, le réalisateur a vraisemblablement eu la bonne idée d’adapter sa mise en scène à l’énergie d’une ville qui le fascine. Tant pis si la narration se perd en d’éternels soubresauts inutiles ou si le jeu des acteurs prête à sourire (on retiendra néanmoins l’heureux retour de Dakota Fanning et son regard bleu azur perché), l’efficacité est menée à bon port. L’ultime battle, en forme d’hommage aux wu xia-pian hongkongais (Liu Chia Liang et ses 36e chambres de Shaolin, en tête), achève de donner cette impression de se retrouver devant un produit hybride, inégal, mais parfaitement incongru. A arpenter ainsi des sentiers sauvages dans l’univers si balisé des super-héros, le casse-cou Push ouvre témérairement une voie.