« Go where new experiences await you », c’est ce qu’annonce la pochette de Repo, sixième album joyeusement taré de Black Dice et c’est exactement ce dont il s’agit. Rythmé par un hoquètement spasmodique qui caractérise leur son depuis l’après-Beaches and canyons, pierre angulaire de leur discographie, « Repo » est à la fois le plus catchy et le plus retors des albums de Black Dice, loin devant les années DFA mais de plus en plus proche d’Animal Collective, version sidérurgique et suburbaine. Fée électricité et horlogerie déraillante du circuit bending contre technologie bien huilée et indie boursicoteur, Black Dice a choisi son camp et semble prendre un plaisir fou à brouiller tous repères et à pulvériser au napalm les plate-bandes pop à coup de surréalisme sonore et de borborygmes post-industriels. Au menu : débris électroniques, percussions et riffs de guitare épars, techno primitive claudiquante et shoegaze sous champis (« Idiots pasture »), hip-hop embryonnaire, robot à la ramasse et crachotis de transistor aux piles usées (Earnings plus interest, Whirligig), basse-cour d’une planète inconnue et fanfare noise hawaïenne (Lazy TV), détritus de chansons et collages de samples disloqués (Buddy)…
Black Dice régurgite des bribes de pop culture en un compost à la fois instable et savamment structuré, comme une extension des fabuleux collages psychédéliques du livret, signés Björn Copeland. Si l’écoute sur la longueur peut donner le mal de mer avec ses tournis répétitifs de samples au pitch déraillant, ses fragments de voix distordus et ses magmas de sonorités détraquées, il possède tout de même de phénoménaux pics d’alien music enjouée, mariage de déraison entre les incantations tribales d’Excepter (Nite creme, Whirligig) et le non-sens givré des Boredoms (Chicken shit, Ultra vomit craze), la joie de vivre de Panda Bear (Glazin, La Cucaracha, Vegetable) et les suées malsaines de Throbbing Gristle ou de Chrome (Nite creme, Whirligig, Gag shack). Sous les circuits, la plage.