Thirst, c’est Twilight revu et corrigé par un boucher coréen. Un jeu de massacre qui dit tout, si ce n’était déjà fait, de l’inanité d’un certain cinéma du 36e parallèle. Et comme un heureux symbole, c’est à Park Chan-wook qu’il revient d’en faire la démonstration. Car au fond, Thirst est au film de vampires ce qu’Old boy était au revenge-movie : un pastiche si ivre de sa propre virtuosité qu’il se comporte comme un ivrogne, vociférant contre l’humanité, déversant sa bile, galvanisé par sa fausse assurance et son impression de maîtrise. Alors qu’il se donne bêtement en spectacle. Au nom d’une pseudo radicalité, il justifie les pires excès de style, l’ampoulage en toute circonstance. Pas grave puisqu’on est pop, et anti-système, et post-post-moderne tu vois. Tout contempteur n’est forcément que vieux croulant, tenant d’un cinéma à papa coincé de la caméra, il ne saisit pas l’insolence tu vois. Même si c’est celle d’un petit histrion qui jouerait aux anarchos…
Toutes choses, ne le nions pas, qui étaient déjà en germe dans les épuisants Le Bon, la Brute et le Cinglé ou encore The Chaser. Mais, justement parce qu’ils épuisaient leur principe, avançaient, aveugles, comme des rouleaux compresseurs, ces deux mastodontes coréens s’échappaient de la nasse, oh pas bien loin ! juste dans cet interstice située quelque part entre le caprice d’ado et le plaisir coupable. Ici, c’est d’un caprice d’adulte qu’il s’agit ; et ça change tout. Au programme de Thirst, une love-story entre un Don Camillo vampirisé et une nana cyclothymique, un robinet de sang grand ouvert et des hectolitres avalés, deux trois scènes de fesse, des gags à faire pâlir les Crados, et surtout des travellings qui font woosh ! pour donner le change. Il y a une manière ici de se prendre au sérieux dans la déconne qui confine à l’arrogance. A l’évidence, Thirst se rêve comme le juste descendant des horrificomiques Braindead ou Evil dead, ne lésinant sur aucun effet expressionniste pour rebooster le genre (la marque de fabrique de toute la production coréenne), mais le recul cynique, presque technique, qu’il prend sur chaque chose, chaque scène ou personnage, annule cette frontalité sans laquelle l’audace n’est plus qu’une sale manie. Finalement, Park Chan-wook c’est un peu un Tarantino lobotomisé, amputé de ses organes vitaux (le coeur et le cerveau), réduit à la pose clinquante et à la provoc référencée. Le pire restant ce plaisir malsain qu’il prend à s’essuyer les pieds sur ses personnages, à nier la quelconque beauté qui pourrait surgir de leur inhumanisation. En bout de course, on croit à un semblant de rédemption à l’image, un finale à la Blade 2 qui sauverait au débotté ces minables amants-prédateurs, mais Park Chan-wook préfère crotter un petit gag sur ce qui leur reste de dignité. Irrécupérable.