L’idée de refaire le premier film officiel de Wes Craven pourrait sembler saugrenue si elle ne suivait méthodiquement la vague des remakes qui s’est emparée d’Hollywood depuis quelques années. Le résultat est forcément un drôle d’objet, l’original étant lui-même un film assez indécidable, ne ressemblant à aucun autre malgré son genre surexploité (le rape-and-revenge crapoteux) et ses arguments grossièrement opportunistes (le Vietnam et tout le blabla cynique dont Craven s’est fait une spécialité au long de sa carrière). Un problème de taille subsiste néanmoins : tout le mal qu’on pouvait penser de l’original (propos douteux, complaisance atteignant des profondeurs rarement draguées, rapide péremption de son design pattes d’éph’) n’enlevait rien au génie du cinéaste à insuffler terreur et fascination dans le moindre de ses plans. Craven a toujours gardé sur le terrain de la peur une distance de dandy sur tous les compères de sa génération (Romero, Carpenter et consorts) et forcément, le novice Iliadis en porte le fardeau à chaque instant : effets sonores appuyés, vieux procédés sur le mode « bouh fais moi peur » sont ici à des années lumière de la classe et de la transparence de la mise en scène du maître, qui ne cherchait d’ailleurs à aucun instant à jouer sur ce registre dans cet étrange décrochage de La Source de Bergman.
Pourtant, le film d’Iliadis est loin d’être nul : à force d’y croire et de pousser, il parvient à instaurer une tension qui ne se relâche que rarement. La première partie prend des airs de redite inutile, mais c’est au cours de la seconde – celle de la vengeance des parents des victimes – que quelques coups d’éclat parviennent à rehausser le film au niveau des belles surprises récentes du genre (et elles ne sont pas si fréquentes). Le basculement incessant des pulsions qui se joue dans la symétrie parfaite des deux maisons isolées au milieu de nulle part où sont réfugiés parents et assassins dédouble l’effet de terreur : tour à tour assiégeants ou assiégés, les deux groupes s’affrontent au cours d’une nuit primitive où se dilue toute la triste binarité du film de Craven, instaurant une sorte de vertige cauchemardesque. Dommage, néanmoins, que le cinéaste, par manque de subtilité et de talent, ne tire que le minimum syndical de cette disposition maîtresse : insuffisant dans la détermination de ses personnages, la jouant trop souvent facile (la dernière séquence grotesque et malvenue), Iliadis se montre incapable d’exploiter (et ne parlons pas de raffiner) le potentiel brut dont son film tire pourtant sa belle énergie continuelle. Ne boudons pas notre plaisir pour autant – aussi anodin soit-il, un tel film écrase en toute modestie des titres bien plus ronflants (vous avez dit Hostel ?) que ce que son statut de vague coup dans l’eau laissait présager.