La sortie de Mesrine aurait dû créer l’événement absolu pour que ce second volet, à un mois d’intervalle, puisse nourrir un suspense conséquent. Or L’Ennemi public n°1 débarque après la demi-réussite (ou demi-échec, c’est selon) de L’Instinct de mort et pourrait souffrir de cette étrange stratégie de diptyque que l’on doit probablement à l’inénarrable goût pour le gros coup de Thomas Langmann (remember la belle aberration Blueberry). Dommage, tant le rythme du film (si l’on veut bien considérer les deux parties comme ce qu’elles auraient dû composer avec un peu moins d’arrogance : un film-fleuve) s’en trouve comme évidé dans sa longueur. De ce jeu d’accumulation un peu plate de scènes qui peinait à secouer L’Instinct de mort, L’Ennemi public n°1 se tire assez facilement vainqueur : lancé avant même d’avoir commencé, le film file avec un réel aplomb (merci Mathieu Amalric, génial en comparaison des autres seconds rôles) et trouve même à certains instants (la cavale dans la campagne) son tempo idéal, à mi-chemin de la farce et du thriller ludique dégagé de toute responsabilité. A cet instant, Richet semble enfin s’extirper de la gangue un peu pétrifiante à laquelle l’énormité du projet semblait tranquillement le condamner.
Mais cette seconde partie possède aussi la pire séquence de l’ensemble (l’instant où Mesrine, pris d’une conscience de superhéros, tabasse un journaliste de Minute avant d’être calmé par son compère) : il y a là une forme de justification profondément déplaisante de l’aura embarrassante du personnage, alors même que la première partie parvenait à conserver toute l’ambiguïté de Mesrine. Étrange à quel point le projet semble avoir liquidé la portée politique du cinéma de Richet, et combien cet épisode particulièrement révèle un cinéaste brillant dès qu’il s’agit de produire de la séquence bien troussée – à l’exception d’un climax extrêmement longuet – mais assez commun dès qu’il s’agit de prendre ses responsabilités (la dimension historique atomisée par certains détails comiques, l’aspect politique mal dégrossi). Résumer cela à du bon cinéma français à l’américaine semble donc d’autant plus ridicule qu’Hollywood n’est jamais si fort que quand il s’agit d’aborder ces questions (voir W en ce moment) et que Richet puise le meilleur de son film dans la tradition policière nationale la moins glamour qui soit (le rapport au flic ennemi, les scènes gouailleuses). Reste un agréable divertissement, comme on dit : pas mal, mais la déception n’en est paradoxalement que plus grande.