L’histoire du rock se construit autour d’insolents coups de chances et de douces injustices. Aussi doués que méconnus, The Walkmen se rangent directement dans la deuxième catégorie. Tout débute pourtant au mieux avec la participation de trois de leurs membres au défunt Jonathan Fire Eater, phénomène de mode en son temps et gros succès critique. Si, par la suite, les Walkmen sont eux aussi salués par la presse, ils resteront toujours ce groupe discret dont une garde de fans zélés protège jalousement le secret. Tête de pont de la nouvelle scène rock new-yorkaise en ce tout début de millénaire (et ce, avant The Strokes), ils font de la Grosse Pomme le must de l’appellation d’origine contrôlée sur le marché du rock. Laissant loin derrière l’armée de clones tristes du revival, ces gandins aux yeux vides jouent un rock désespéré, tendu, flamboyant.
Ce quatrième opus, You&me, ne déroge pas à la règle. The Walkmen distillent toujours la formule secrète pour marier l’élégance noire de Joy Division au maniérisme des Smiths. Mais, il ne faut pas se fier à ses airs précieux, You&me coupe son thé au whisky, et encanaille ses textes romantiques au son de guitares tranchantes. Compositions lunatiques où le timbre écorné d’Hamilton Leithauser, le spleen ambiant et l’instrumentation minimaliste font place à des cuivres chauds et aux chants aériens d’une montée musicale intense et fiévreuse. Mention spéciale à In the new year et à sa puissance tout en retenue.
Au détour d’un titre, une ballade mélancolique chante l’amour et l’abandon avec une conviction qui condamne à l’attachement (I lost you)… Beau comme du Rufus Wainwright en pleine gueule de bois. Alors, disque de la reconnaissance ? Peu importe. You&me est avant tout un album raffiné, long en bouche, qu’il faut prendre le temps d’apprécier. Un grand cru 2008.