Malgré le rubicon esthétique qui les sépare, la trajectoire de Fernando Meirelles rappelle étrangement celle de Dany Boyle. Comme l’éternel wannabe d’outre-Manche, le Brésilien fut adoubé à la suite d’un coup d’éclat de jeunesse, une Cité de Dieu pleine de bruits et de fureur qui n’était, on le découvrira plus tard, qu’une tartine de maquillage aussi bluffante au premier rendez-vous que captieuse à la longue. En cause ces mêmes manières d’élèves brillants et péroreurs, qui truffent leur travail de contorsions rhétoriques gueulardes pour mieux masquer les limites de leur style. Une supercherie que The Constant gardener commençait de dévoiler et que Blindness achève de griller. Meirelles, ou comment éblouir le spectateur en l’aveuglant.
Au départ, un bouquin de José Saramago. L’histoire d’une pandémie de cécité blanche qui frappe partout et tout le monde. Tout le monde sauf une femme apparemment immunisée contre la maladie (Julianne Moore). Parquée par erreur avec des infectés, elle qui jusqu’ici s’effaçait devant ses pairs va devenir leur guide au milieu d’une apocalypse diaphane. Un pitch au potentiel évident, trop sans doute pour un enfonceur de portes ouvertes. Cécité blanche ? Pan ! Photo sur-ex, contre-jour et lumière voilée. Une seule voyante parmi les aveugles ? Hop ! Parabole messianique et son cortège de métaphores. Recomposition communautaire ? Zou ! Echantillonnage humain façon pub Benetton. Blindness fonctionne ainsi tout du long, par sur-monstration plutôt que par retrait, à coup de chichis plutôt que de retenue, en appelant paradoxalement au vérisme de Saramago sans voir qu’il l’annihile de facto. Même le volet « expérience sociale » de l’affaire ne convainc qu’à moitié : société désorganisée = loi du plus fort = l’homme est un loup pour l’homme, le tout avec les détails crapoteux et viols en réunion de rigueur. Une réflexion sur le pouvoir si balisée et anesthésiée qu’elle en perd toute portée.
Blindness offre bien quelques visions saisissantes dans son troisième tiers (la ville à l’abandon peuplée de zombies aveugles), mais aucune qui ne renvoient à d’autres films plus ou moins récents (Zombie, Je suis une légende, 28 jours plus tard). Même si le retournement final émeut in extremis, impossible de ne pas se souvenir que, sur un pitch équivalent, Shyamalan avait shooté voilà quelques mois Phénomènes. Un bijou théorique qui s’interrogeait de l’intérieur et ne limitait pas ses propositions esthétiques à un décorum laiteux.