Le nouveau Béla Tarr est un drôle d’objet, assez éloigné de ses chefs-d’oeuvre récents (Les Harmonies Werckmeister). Si le style est reconnaissable entre tous, imposant son extraordinaire aisance à produire du plan-séquence comme un autre enchaînerait les perles, l’univers abordé – un roman de Simenon, tourné dans le port de Bastia – occasionne une rupture atmosphérique assez troublante.
Tarr s’intéresse évidemment très peu à l’intrigue de polar pour se concentrer sur la vie monotone et sans horizon d’un pauvre bougre enfermé dans un quotidien pathétique : une manière de se raccorder avec le héros des Harmonies, mais sur un versant complètement désespéré et délesté de tout idéal. Nulle place pour la suspension ou lé féerie ici, simplement le long déversement d’un chaos intérieur qui finit par déborder un scénario à l’état de trace. La postsynchronisation digne d’une série Z mexicaine crée un certain malaise (d’autant qu’on ne sait si la voix de chti du héros est vraiment volontaire) et se plaque sur les silhouettes dans un effet de collage déroutant, vaguement apocalyptique, quelque part entre Zola, Prévert et l’expressionnisme allemand. C’est finalement cet aspect BD qui demeure le plus intéressant dans le film, tant le reste déroule sa virtuosité avec une insistance atone et quelque peu pontifiante.
Pour peu qu’on le voit comme une sorte de Sin city bouseux et sartrien, L’Homme de Londres s’impose quand même. Mais avec un côté service minimum assez décevant de la part de l’un des cinéastes les plus importants de ces trente dernières années.