De W, on pouvait craindre qu’il soit le biopic de trop pour Oliver Stone, pas un film improbable, mais justement un film attendu à tous les coins de rue. Attendu sur la provoc parodiant la lose bushiste – l’Histoire toute fraîche, brocardée partout et par tout le monde, de Michael Moore aux Guignols de l’info. Redouté vu l’état de forme incertain affiché par Stone depuis quelques films – le désastre financier d’Alexandre, puis le mélo idéologiquement très très limite de World Trade center -, et son envie de se refaire une santé à moindre coût. Production multinationale (pas un sou en provenance d’Hollywood), W pourrait se ranger au rayon téléfilm tant sa forme paraît étriquée : décors minimalistes, effets spéciaux pathétiques, festival de moumoutes sur acteurs s’efforçant à mimer le modèle original – plutôt brillamment dans l’ensemble, Josh Brolin en tête. Pourtant, il faut reconnaître que la vétusté ambiante colle assez naturellement à George Bush, président minable reconnu comme tel par tous, aux prémices de son second mandat. Voilà qui garnit les poutres apparentes du biopic et permet à Stone de se concentrer sur l’essentiel, une fois n’est pas coutume.
Comment résumer Bush, sa vie, son oeuvre ? Facile répond Stone : sa vie est scellée par une thèse psy – la révolte contre le père, monstre froid qui lui préfère objectivement son frère Jeb. Son oeuvre, c’est logiquement l’invasion en Irak et le chaos qui s’ensuit. Deux programmes inaliénables soudés à une trajectoire limpide : l’un renvoie à l’autre sans détours et vice-versa, Stone clouant l’action de Bush à ses souvenirs. Le président anime une réunion sur l’Irak – flash-back – le président envahit l’Irak – flash-back – le président avale un bretzel de travers – flash-back. Pas de paradoxe ni de mystère, W le gosse de riche, caricature d’Américain volontaire, se cantonne à singer père et frère, les dépassant en tout jusqu’à l’absurde. Improbable mais vrai. C’est évidemment réducteur comme un bon vieux film à thèse des années 70, mais ça a le mérite de l’efficacité. La force de Stone consiste à jongler entre l’idéal fonceur de Bush junior, faux loser faussement manipulé (il fait tout ce qu’il veut) et celui, rationnel, de Bush senior, arc-bouté à la raison (l’impuissance personnifiée). Il prend au premier la simplicité au pouvoir (la séquence, admirable, de la construction du discours sur l’axe du mal, tour de passe-passe lancé par un ordre limpide de W – le livrer à la fin d’un match de foot) et au second sa distance intellectuelle, qui ne lui sert à rien. Pour preuve, Bush père, en désaccord sur tout, se résout à supporter son fils par amour. Et Stone de se muer en froid enregistreur de la déroute, laissant son exaltation sanguine à W, brave type paumé au plein milieu de son règne.