La rentrée appartient à Steve Carrell. En attendant Coup de foudre à Rhode Island (une bien jolie comédie romantique dont on parlera la semaine prochaine), il porte des costumes stricts, un balai dans le cul, et joue Max la menace. Avec raideur, une contracture de tout le corps, ainsi se plante Steve Carell dans l’image, une sorte de torticolis bipède, avec raie sur le côté et sourire figé, cousin du Flanders des Simpsons, tombé ici dans un film d’espionnage alors qu’on l’imaginait plutôt tondre son gazon le dimanche en bermuda. A jamais Steve Carell sera ce nigaud en polo boutonné jusqu’en haut qui, sur l’affiche américaine de 40 ans, toujours puceau, trône dans la pose d’une photo scolaire, c’est-à-dire quelqu’un qui n’est pas du tout à sa place et en même temps se fond complètement dans le rôle qu’on lui attribue. Raide comme un piquet, Steve Carell peut alors revivifier tranquillou ce genre éculé de la comédie bon marché qui consiste à faire d’une andouille un agent secret d’opérette.
Encore que, dans Max la menace, l’agent 86 qu’incarne Steve Carell n’est pas tout à fait l’incompétent absolu et vaguement demeuré (mais qui gagne à la fin) que les traditionnelles parodies de James Bond mettent en scène. Il est capable d’exploits, se faufile avec la grâce d’une danseuse du Bolshoï entre les raies d’un piège de lasers, résout seul le mystère de l’hitchcockienne bombe de l’orchestre symphonique, et autres faits d’armes. Ce génie de l’espionnage qui parfois visite l’agent 86 donne au film une respiration là où le défilé des gags pourrait étouffer. C’est aussi une bonne définition du funambulisme de Steve Carell, évoluant dans les airs avec la grâce d’un piquet de bois, et en même temps capable de contorsions comiques qui lui donnent tour à tour l’air d’un petit garçon (ce qu’il est dans le film, se rêvant agent secret), d’un séducteur suranné ou d’un somnambule. Son rire (jaune), ses effets d’annonce (pétards mouillés), ses gaffes (qu’il commente avec la plus grande placidité) : dans le foncier désaccord qui est le sien envers tout ce qui arrive, Steve Carell a trouvé la formule de son burlesque – une manière de stoïcisme un peu forcé et sans joie, l’élégance meurtrie d’un amor fati résigné.