Joueur, mon ami (car pour parler de Dragon quest il faut se dire « tu »); Te souviens-tu ? Dragon quest VIII, son obsédante alchimarmite, son cell shading moelleux, ses coffres disséminés comme autant de pochette surprises, ses combats incessants et ses donjons amples et fabuleux. Après deux ans (déjà), on avait oublié ce goût subtil et pourtant si évident. Je ne tiens pas particulièrement les annonceurs et autres publicistes en respect, mais il faut reconnaître ceci à la saucisse Herta : son slogan résume tellement bien ce avec quoi Dragon quest IV (pourtant antérieur) te propose de renouer : « le goût des choses simples ». Dragon quest IV est un exercice de pureté. Une pureté qui n’a rien de dangereuse. C’est le souffle d’air rocheux qui emplit d’une joie violente et soudaine les poumons du joueur / citoyen urbain. Se balader, écouter les modestes anecdotes des villageois qui mènent aux grandes aventures, enchaîner les combats aléatoires (tenir sept secondes sur la map sans rencontrer un monstre relève du bug). Jouir de voir son level et sa bourse dûment augmenter. Se frayer un chemin jusqu’à ce coffre et ses promesses d’items, même insignifiants. Dragon quest IV satisfait d’une façon si experte le désirs primaires de l’aventurier que c’en est presque gênant. Même dans ses donjons étrangement petits, articulés autour d’un mécanisme enfantin et grouillants de monstres bien levelés. Pourtant, il se permet aussi quelques bravades ; à commencer par son scénario chorale qui découpe l’aventure en chapitre au début desquels il est nécessaire de reprendre ses levels à 0 (ou level 1, pour être précis). A plusieurs reprises, on reprend une vieille épée de cuivre pour combattre du gluant de niveau 1. Va comprendre, Charles… mais j’y retourne toujours le coeur vaillant.
A partir du cinquième chapitre (le plus long), l’aventure se fixe sur le personnage auquel le joueur a donné son nom. C’est un rythme plus plan-plan, plus familier qui s’installe mais dont le relatif manque de surprise est compensé par une épopée qui trouve son rythme de croisière. La carte, jusqu’ici réduite à de brefs itinéraires fonctionnels et morcelés, s’ouvre enfin à une part d’exploration ample et libre grâce à de nouveaux moyens de locomotion. La nécessité de former une équipe polyvalente et de constamment revoir son équipement à la hausse se fait plus pressante. Bref, après ses quatre chapitres introductifs, Dragon quest IV lâche la main du joueur sur les chemins tranquilles d’une aventure plus classique.
Autre espièglerie de cet épisode, dans la peau de Torneko (l’un des élus du titre), le joueur se retrouve dans la position du PNJ esclave de l’industrie de l’armement médiéval. Une manière comme une autre de se faire de l’argent autant qu’une façon habile d’humaniser aux yeux du joueur une galerie de PNJs, du reste, assez statiques. Pourtant old-school dans ses combats, Dragon quest IV se permet ainsi quelques écarts sémantiques incongrus. Qu’on ne s’y trompe pour autant : on perdra l’essentiel de son temps à se perdre en combats, dispensés à un rythme frénétique, halluciné. D’ailleurs, les linguistiques du jeu vidéo seraient bien inspirés de définir et nommer cette étrange torpeur qui naît des heures de routine des combats. Pas désagréable, mais pas franchement passionnant, ce level-up poussif contre des monstres de passage est le pendant nécessaire à l’intensité des joutes contre des Boss sévèrement burnés. Le joueur éduqué de 2008 pourra – c’est son droit – accuser l’alibi-gameplay pour rallonger la durée de vie d’un titre bienveillant mais vieillot. Quelle faiblesse de jugement ! Quel manque d’imagination ! Einstein (oui, comme argument d’autorité, on aurait pu trouver plus subtil) l’affirmait lui-même : « Ce n’est pas que je suis plus intelligent, c’est que je reste plus longtemps sur les problèmes ». Dragon quest IV invite son pratiquant à rester plus longtemps avec l’adversité. Mu par cette croyance salutaire, naïve et bouleversante : ta victoire n’en sera que plus belle !