Faut-il que l’horizon du cinéma de genre soit à ce point bouché pour que l’on sanctifie le moindre de ses hérauts ? Cas d’école, Greg McLean. Adoubé à la seule vue de Wolf creek, shocker moyen à base de tortures et de bush australien, ce jeune cinéaste ne vaut pourtant guère mieux que les newbies qui se bousculent au portillon. Comme s’il fallait d’urgence dégotter le prochain maître du genre, on balaie d’un revers de main les écueils rythmiques, narratifs et horrifiques du moindre galop d’essai indépendant. Résultat : quelques excès graphiques et une photo chiadée suffisent aujourd’hui à métamorphoser le débutant adroit en Craven ou Carpenter potentiel. Qu’importe : les Frères Weinstein ont eu vent du buzz et ont débauché cette « star » montante pour réaliser Solitaire. Une histoire de crocodile géant qui laissait augurer d’un gros bis qui tâche, mais s’étiole pour les mêmes raisons que Wolf creek.
A l’ouverture, on se prend pourtant à y croire. McLean plante le décor avec la même patience que dans son précédent film, la solidité mainstream en plus. Des clichés de rigueur aux premières attaques du saurien, la mécanique se met en branle avec un strict respect des codes. C’est au moment crucial de l’emballement que l’affaire se gâte. Comme si le versant horrifique de cette histoire l’emmouscaillait, le réalisateur bousille sa mise en tension sans jamais remplir le quota gore. Soit le sel, pour ne pas dire l’essentiel, de tout bon monster-flick. Dans le genre, on se prendrait presque à regretter Anaconda, pauvre nanar numérique qui au moins honorait son contrat : de l’humain boulotté et J-Lo en t-shirt mouillé. Sans même parler des attributs de Radha Mitchell, Solitaire manque de cette générosité propre aux meilleures séries B et se borne à illustrer joliment quand il faudrait dynamiser. McLean tente bien de rattraper le coup avec un finale aux accents panthéistes, mais son match humain vs. sac à main tourne court faute de rythme. Au fond, Solitaire souffre du même mal que Wolf creek, cette construction bi-polaire (introduction / climax) qui néglige le développement du film donc son armature (revoir Les Dents de la mer). Pas étonnant que le résultat, aussi bien produit soit-il, se déballonne après avoir longtemps péroré : sans son écrin, le solitaire fait toujours un peu toc.