On avait déjà été positivement impressionné par le psychédélisme envoûté de Passover, précédent et premier album de ce séminal groupe texan, et ce Directions to see a ghost ne semble avoir nul autre dessein que d’enfoncer le clou davantage. Bizarrement, face à cette formule identique au micron prêt, pas même le début d’un air de déjà-vu, de répétition… Ces 11 nouveaux morceaux semblent venir s’encastrer dans le même film angoissant qui servait de décors à ceux de Passover. Il faut croire qu’avoir grandit à Austin, sur les terres qui ont vu naître – et s’atomiser – des générations d’allumés, de Roky Erickson à Daniel Johnston, donne une certaine prédisposition à dispenser un son un rien ésotérique et sous influence. Au jeu des ressemblances, on reconnaîtra les orgues apocalyptiques de The Piper at the gates of dawn à la fin de titres comme Mision district (Alex Maas, le leader, n’est toujours pas débarrassé du fantôme de Syd Barrett, décédé entre les deux disques) et, plus prêt de nous, le shoegaze de 18 years ne masquera pas sa gémellité musicale avec le Brian Jonestown Massacre le plus narcotique, tandis que les mantras vocaux sur eer-ree-shee rappelleront les moments les plus habités de Echo & The Bunnymen. Parfois, la potion est plus multi-vitaminée, comme ce Never / ever où un orgue qui semble s’échapper de Sister Ray côtoie les sons de jarre électrique du 13th Elevator Floor.
Finalement, le tour de force principal des Black Angels réside dans leur capacité à vous prendre aux tripes là où d’autres donneraient simplement l’impression de vous faire visiter un musée. Un beau musée, certes, dont le guide serait un fin connaisseur, je vous l’accorde, mais dont on se fout un brin quand son cadran spatio-temporel n’est pas resté bloqué sur les silver sixties. Et ils sont peu, aujourd’hui, a savoir faire décoller la transe électrique sans sonner tristement revival ou donner dans l’exercice démonstratif : on peut citer Anton Newcombe, quand il consent parfois à se bouger les fesses, ou les Warlocks quand ils sont enfin concentrés, peut-être aussi Clinic quand ils ne surjouent pas trop ou les Spacemen 3 avant qu’ils ne quittent définitivement le système solaire… Mais il n’y a guère que les Black Angels, aujourd’hui, pour donner l’impression de parler du fond de la tombe ou sous le coup d’un sortilège vaudou. La voix, surtout, d’Alan Maas rappelle de grands mystiques comme feu Jeffrey Lee Pierce. Une voix qui semble se consumer pendant qu’elle nous parle, avec une ambition cathartique, tantrique et, osons le mot, magique. The Black Angels sont là pour vous envoûter et ils semblent avoir toute la science, occulte, pour y parvenir !