Parce qu’il n’est trop tard pour bien faire, saluons maintenant qu’il arrive en DVD le dernier film en date de Hou Hsiao-hsien. A sa sortie en janvier 2008, Le Voyage du ballon rouge fut pour nous une excellente surprise. Qu’un cinéaste de l’envergure de Hou Hsiao-hsien fasse un bon film, rien que de très normal bien sûr, venant de lui à qui l’on doit des morceaux tels que Goodbye south, goodbye, Les Fleurs de Shanghai, Un Temps pour vivre, un temps pour mourir, Millenium Mambo et on en passe. Mais il faut dire que depuis quelques temps le cinéma de Hou semblait tourner à vide, semblait atteint d’un syndrome qui frappait aussi son cadet Tsai Ming-liang : une espèce de facilité du style teintée d’habitude et couplée à une tendance, plutôt un laisser-aller, qui emmenait les films au bord de l’auto-parodie. Café lumière (hommage un peu sentencieux à Ozu), puis Three times (versant du côté wongkarwaien de la force) inquiétaient beaucoup en cela. C’était d’autant plus curieux que tous deux venaient après Millenium Mambo (qui pour certains annonce déjà le début de la fin), film ambigu par sa manière de se tenir au bord du vide (un pur système de mise en scène, sans contenu) et de luire en même temps d’un éclat unique et radicalement singulier. Grand film en vérité, qui pourtant n’a l’air que d’un bel objet.
A la crainte d’un Millenium Mambo du pauvre s’ajoutait celle d’un film institutionnel, de commande. Il s’agit bien de cela, puisque Le Voyage du ballon rouge est une commande passée par le musée d’Orsay. Et puis, pour boucler le tout, HHH s’est mis en tête de rendre hommage à un film qu’il aime beaucoup, Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse. De fait, les aventures du ballon rouge, qui va et vient au-dessus des toits de Paris, ne sont pas ce qu’il y a de plus passionnant dans le film. Au contraire du reste, c’est-à-dire une sorte de méditation très douce sur le quotidien, un film humble et presque sans mystère. On n’est plus dans la fascination que suscitait l’épellation du présent absolu de Millenium Mambo qui enregistrait toutes les couches du temps comme en une seule prise, un flash étiré et suspendu. C’est quelque chose de plus simple et de plus immédiat, qui émeut beaucoup, une manière d’être attentif à tout, y compris à soi, tant la mise en scène est précautionneuse, duvetée. Pas empruntée du tout, non, mais simplement dans un retrait souple, avec quelques valeurs de plans, une caméra qui a trouvé son lieu et n’en bouge quasiment plus, et reste là pour regarder ce que la vie a, chaque jour, de simple et de compliqué. Idéal pour se réconcilier avec Hou Hsiao-hsien (et Juliette Binoche, super, par la même occasion).