Chacun se souvient des manifestations monstres qui avaient animé le grand raout de l’OMC fin 1999 à Seattle. Une ville en état de siège, des exactions policières, la visibilité soudaine d’une contestation massive du système économique global, mais aussi celle d’un militantisme hardcore, celui des « black blocks », ces groupes anarchistes et violents : les événements de Seattle avaient frappé l’opinion, et servi d’anticipation aux émeutes de Gênes en 2001, lors d’un sommet du G8, qui s’est soldé par la mort d’un jeune militant. Bataille à Seattle, premier film du comédien Stuart Townsend (second couteau hollywoodien dont on serait bien en peine de citer un rôle marquant sans l’aide d’imdb), reconstitue quatre jours de manifs à travers un film choral gentil où sont réunis : quatre activistes pacifiques, une journaliste sur le terrain, un CRS sympa et sa femme enceinte, deux gentils participants aux réunions de l’OMC (un négociateur africain et un médecin de MSF), le maire de la ville, etc.
Le film n’a pas grand-chose à dire ni sur l’OMC, ni sur la contestation, ni sur rien, sinon des banalités de bon aloi. Il se réfugie donc, par défaut, dans des sous-intrigues nourries à la psychologie de comptoir, le sommet étant atteint par l’histoire du CRS cool (Woody Harrelson) et de sa femme (Charlize Theron) qui perd son enfant après avoir reçu un coup de gourdin gratuit lors d’une bourrinade de CRS, alors qu’elle n’avait rien à voir avec les manifestations. Apprenant cela, Woody est à deux doigts de se demander s’il ne fait pas un métier un peu con sur les bords, et voilà tout.
Bataille à Seattle est d’une platitude bornée, dépourvu de la moindre aspérité. On le sent armé des meilleures intentions du monde autant pour alerter le chaland sur la méchanceté des propriétaires du monde, que sur les contradictions que doivent affronter, en plus des flics, ceux qui les dénoncent. Ce qui fait toutefois le minimal intérêt de ce film est ce pour quoi on peut avoir envie d’y venir : les images d’archives, agencées selon une technique de montage usée jusqu’à la corde, certes, mais qui valent autant (le film en est la démonstration) qu’un pauvre mélochoral pour nous replonger dans cet historique et spectaculaire affrontement entre un monde et son possible contrepied.