Sur le papier, Jackpot a tout pour exciter : 1- une star féminine (Cameron Diaz) qui n’a pas peur du ridicule, qui sait être vulgaire, s’enlaidir, et qui est naturellement craquante ; 2- un acteur bien bâti (Ashton Kutcher), en vogue, naturellement bellâtre et chez qui un coup de peigne, une réserve inhabituelle et quelques statismes énamourés suffisent à signaler la révolution des sentiments ; 3- une tradition bien rôdée, celle de la comédie américaine, qui consiste à faire s’aimer deux personnages qui se tapent sur le système à cause d’intérêts personnels, de personnalités, d’habitus antagonistes ; 4- une valeur descriptive des milieux dépeints (la fille est en passe de devenir une golden woman à la bourse à Manhattan, le garçon est un glandeur, ex-menuisier, et habite Brooklyn) ; 5- la valeur documentaire d’un tournage en extérieurs réels (New York, Las Vegas) ; 6- la présence de personnages secondaires, soit un éventail de caractères, de la bêtise (Rob Corddry, le copain du garçon) à la Loi (Dennis Miller, le juge) ; 7- la richesse dramatique et comique des enjeux : pris individuellement, la fille et le garçon ne sont pas eux-mêmes et ont beaucoup de problèmes ; en couple, l’alchimie fonctionne, mais ils ne s’en rendent pas compte ; 8- la morale de l’histoire : essaie de plaire, tu ne te feras pas aimer ; rends-toi détestable, tu trouveras l’amour.
Dans le film, Cameron Diaz est très bien. Tout le reste est raté. Aucune imagination dans la méchanceté : le manque d’hygiène du garçon en est la principale manifestation, et elle reste plus ou moins cantonnée aux limites d’un lavabo. Aucune imagination dans l’évolution des sentiments : l’apparition des parents en est le principal ressort, leur simple convocation adoucit les moeurs. Aucune imagination, non plus, dans la progression du récit : le montage en parallèle est, plus ou moins, l’unique recours.
A partir d’une situation initiale similaire – deux personnages condamnés au mariage forcé, une fille sérieuse (Katherine Heigl), un garçon glandeur (Seth Rogen) -, En cloque, mode d’emploi (Judd Apatow, 2007) se cherchait dans les mollesses et les aspérités du quotidien. La Rupture (Peyton Reed, 2006) – où deux personnages, une fille sérieuse (Jennifer Aniston), et un garçon gamin (Vince Vaughn), se condamnaient au divorce -, ne leurrait personne sous la finesse de la satire. Les deux films étaient plutôt malaisés, déplaisants au bon sens du terme. « Essaie de plaire, tu ne te feras pas aimer ». Ainsi Jackpot, film excessivement glamour par défaut d’imagination, est-il une trahison de son credo.
Seule belle scène : celle où le juge chapitre la fille et le garçon, rappelle à la lettre les termes du mariage (« Pour le meilleur et pour le pire »), fait du chantage à l’exemple (« Ma femme est insupportable, je l’aime, j’ai parfois envie de l’étrangler, la Loi ne le permet pas »). Sur le modèle de cette scène véritablement séduisante (acteur paradoxal, rudesse de la morale, énormité de la situation), ceux qui ont concocté Jackpot auraient dû envisager pire (plutôt que glamoureux) pour véritablement séduire.