Qu’attendre d’un film de Volker Schlöndorff en 2008 sinon un petit tour de piste de vieux lion du cinoche international, son pain quotidien depuis vingt ans. Ce qu’est Ulzhan, malgré la démesure des steppes du Kazakhstan et ses rigoles métaphoriques : Torreton en routard dépressif, ça recadre immédiatement les intentions d’un film. Non que l’acteur soit mauvais – plutôt le contraire, d’ailleurs, ici -, mais son côté quadra pavillonnaire l’empêchera toujours de viser l’irradiation ou le lyrisme. Schlöndorff s’en sert assez malicieusement, son pragmatisme garantissant le dépaysement (le côté Nouvelles Frontière des images) et permet au film d’aller à l’essentiel : se couper du monde, se noyer dans la nature et puis mourir, sans discours ni trompette.
Le road movie a bien ses détours, ses pauses déjeuners, ses arrêts pipi qu’Ulzhan dégraisse au maximum. Réussite pour le coup puisque le film, fonceur jusqu’au prévisible, ne perd jamais son envie de nature et de désertion. La description touristique du Kazakhstan est effleurée avec goguenardise sans enfreindre la marche en avant générale : plans majestueux des puits de pétrole, la caméra panote en hélico sur les building d’Astana, on entrevoit la corruption, la prostitution, les bars glauques, on discute un brin et on met les voiles, prêts pour le prochain tableau – plus tard, les vestiges du communisme, quelques peuplades locales, un brin de chamanisme, etc.
Ce réflexe d’abreuver le film par petites goulées, tel un rationnement de campeur, est salutaire. Il recycle les procédés d’envoûtement, pourtant rachitiques puisque Schlondorff ne procède que par blocs d’images tournés à l’ancienne, montées à la queue leu-leu, comme une grande soirée diapo : plans qui s’étirent, travellings légers, images arides, presque desséchées. La garniture du scénario a alors la vertu d’un Grany aux cinq céréales. On se délecte de certaines (David Bennet le petit tambour de 1979 devenu vendeur de mots beatnik, pas mal), d’autres se digèrent plus difficilement (l’histoire d’amour, le trauma Torretonien). Qu’importe, Schlondorff n’a pas le temps de s’étouffer de questionnements métaphysiques, il reste des kilomètres à avaler, des panoramas à contempler. C’est bien connu, la rando, c’est bon pour la santé.