Les frenchies à Hollywood, la suite. Résumons : il y a deux ans, Ils, examen de passage plutôt très réussi de Palud et Moreau sous nos climats, leur valait, dans la foulée d’un Alexandre Aja, une invitation à se présenter au grand O hollywoodien. Tirage des sujets, mauvaise pioche : les wannabes se voient passer commande d’un remake de The Eye, mini hit thaï lui-même tracé à quatre mains dans l’écume laissée par la nouvelle vague de fantômes nippons. Mauvaise pioche, pourquoi ? Moins parce que le résultat est raté (il l’est, sans la moindre ambiguïté, le film est chiantissime), que parce qu’on sent bien, d’emblée, que le sujet n’a aucune prise à offrir au savoir-faire consciencieux exposé par Palud et Moreau en vitrine de leur galop d’essai. Bien sûr, dans des cas comme celui-ci, il faudrait être en mesure de compter les plumes laissées en route par les bizuts dans la gueule de l’industrie, savoir combien fut corseté le passage d’un standard (la démo studieuse de film de trouille avec bimbo locale) à un autre (le produit calibré par les studios avec bimbo L’Oreal). A vrai dire on ne sait pas grand chose, sinon que les deux Français ont un peu souffert et que la première version du film fut sévèrement retoquée.
Mais qu’importe : le problème, on le disait, tient plus au sujet. Le premier bébé de Palud et Moreau se présentait par le siège, c’est à dire par Assaut et plus globalement par l’héritage de Carpenter, abordé avec le plus grand sérieux. Rien d’autre dans Ils que cette envie-là : reprendre à son compte, avec application et sans esbroufe, la trame la plus abstraite du film d’angoisse (un couple enfermé dans une grande maison, des assaillants super vénères tout autour puis à l’intérieur), investir le terrain de jeu des aînés et ranimer les jouets sans changer les règles, pour le pur plaisir de la mise en scène. Dans cet académisme consciencieux, Palud et Moreau trouvaient un cadre idéalement modeste où faire éclater leur talent évident pour la mise en espace et la gestion du point de vue. Mise en espace et point de vue : double charpente de l’horreur classique, dont le pitch neuneu de The Eye n’a guère besoin de s’encombrer. Jessica Alba, godiche sympa mais aveugle, s’offre une cornée toute neuve. Problème : l’implant vient d’une nénette suicidée pour cause d’encombrants pouvoirs occultes, et Jessica commence à voir des morts partout, comme dans Le Sixième sens. L’aveugle voit : c’est bien là le problème, et l’impasse théorique où Palud et Moreau se retrouvent coincés, obligés d’organiser toute la matière dans le cadre, privés de hors champ, sans rien à dialectiser (bouh, font les fantômes, condamnés au champ), contraints de dérouler tant bien que mal la littéralité bêtasse de leur intrigue perlimpinpin. Ennui mortel.