Marion Laine, dans ce premier film, adapte la vie de Félicité, héroïne d’Un Coeur simple de Flaubert, bonne simplette et dévouée que son dévouement voue à l’abandon. Le texte de Flaubert surprend par sa cinglante concision qui mène la femme à tout faire de la jeunesse à l’agonie, en quelques pages d’un cynisme ravageur. Etirant le récit en long-métrage, la cinéaste évacue malheureusement la cruauté et semble plus en empathie avec la naïveté de son personnage qu’avec le regard glacé de l’écrivain, parti pris plus ou moins conscient et maîtrisé. Les malheurs de Félicité (Sandrine Bonnaire) deviennent sous la caméra de Marion Laine un chemin de croix, et la pauvre femme, une martyre.
L’acharnement pesant du scénario et l’application parfois scolaire laissent pourtant affleurer quelque chose de passionné qui semble tenir à coeur à la cinéaste. Sandrine Bonnaire parfaite dans ce rôle qui englobe tout le prisme de ses incarnations, nourrit son personnage d’une fébrilité animale. Elle emporte avec fièvre les belles premières scènes du film : une danse, une course folle dans les bois et une fougueuse étreinte. Elle est mal relayée par Marina Foïs (Mme Aubain, la maîtresse) qui ne tient pas dans son costume. En revanche le couple Félicité / Clémence (la mélancolique petite fille de la maîtresse incarnée par Louise Orry-Diquéro) est une belle réussite. Une étrangeté émane des rapports entre les corps et les gestes souvent brusques et maladroits. Diluées ou mêlées à des métaphores trop signifiantes, ces bonnes intuitions restent pourtant prometteuses.