Une ville-fantôme, un père étrange, deux enfants en quête de territoires nocturnes et ludiques, un ex-taulard qui semble tout droit issu d’un cauchemar, et, à la source de la fiction, un incendie dont ne subsistent que les traces (mains brûlées, frère vengeur, maison en ruine que l’on s’acharne à faire renaître…).
Quelques figures-repères jetées ça et là, un embryon de récit, et des images qui, sans cesse, nous perdent, tissent entre elles des liens confus, et créent peu à peu leur univers forclos. Gloria constitue une entreprise poétique pour le moins radicale mais qui ne réussit jamais vraiment à se construire, préférant avancer par ébauches d’idées, en tentant de travailler sur la sensation, le non-dit, et, peut-être, l’onirisme. Ambitieux, certes, mais terriblement ennuyeux, car à force de cultiver l’aléatoire, ce premier film finit par sombrer dans les travers de l’opacité facile, du lyrisme au kilomètre. Vide d’enjeux, Gloria se contente d’enchaîner les (beaux) plans, sans que l’on sache jamais ce qui motive leur existence. Ainsi, Manuela Viegas trace des pistes obscures, volontairement équivoques, mais dont seule l’évanescence parvient à transparaître ; comme si la cinéaste s’acharnait à édifier une œuvre somnambulique peuplée de signes, de gestes et de rites secrets, indéfinis, presque illisibles. Du coup, le spectateur se sent exclu de cet essai ni fascinant, ni même intrigant, parce qu’aucun langage perceptible n’émerge de cette ténacité à filmer seulement le mystère des êtres et des choses, leur énigme plutôt que leur carnation, leur inconscient plutôt que leurs mouvements. Et lorsque la proposition s’achève, dans une sorte de flottement irrésolu (même s’il y a enfin eu acte : le frère a été tué), l’on s’aperçoit que le temps n’a eu aucune prise sur elle, ne l’a en rien structurée : l’objet aurait été le même avec une heure de plus ou de moins…