Ouille, le titre français qui tue. L’original, qui passe quand même mieux à l’oreille (« be kind, rewind »), désigne l’injonction faite aux clients des vidéoclubs de rembobiner les VHS qu’ils ont louées, avant de les restituer. Rembobiner est un motif plus important que ne le suggère le pitch du film, plutôt sympa, lui : à la suite du sabotage raté d’une usine électrique, Jack Black se retrouve magnétisé, et efface le contenu de toutes les VHS d’un vidéoclub décrépi. Du coup, lui et son compère Mos Def prennent le parti de tourner des remakes ultra cheap et bricolés de tous les films du catalogue : Ghostbusters avec des guirlandes de Noël, Rush hour sur une balançoire, Robocop avec des tuyaux de poêle, etc. C’est la motivation du film, inoffensive : une récréation autour du thème de la jouissance des matériaux. De ce point de vue, Soyez sympas, rembobinez est aussi plaisant que vain, d’autant que son écriture un peu bousculé et son rythme montagnes russes empêche parfois, paradoxalement, de jouir de cette jouissance des cartons, papiers d’alu et autres outils à trucages de garage.
Mais l’important, donc, est ailleurs, c’est le « rembobinez », car sous la fantaisie, il y a un autre projet, plus sérieux, plus mélancolique, qui concerne la petite ville où se déroule le film (Passaic, New Jersey). Il s’y agit de reconstituer, autour de la figure mythique d’un jazzman qui avait vécu là au siècle dernier, la communauté d’un quartier. C’est par l’atelier tournage et l’atelier bricolage que se reforme la soudure municipale. L’horizon est un passé glorieux mais fictionnel, et l’histoire, ou plutôt sa réécriture, débouche sur un finale à la Capra. C’est bien peu de choses et c’est gentil comme tout, sauf que gêne ici cette plate naïveté, telle qu’elle se reformule en ce que Jung appelait le « rêve compensatoire ». Gêne, parce qu’on voit bien à quelle unique fonction Gondry attribue le cinéma : les matériaux, dont il est fait ici un usage récréatif, sont les briques qui servent à ériger le cinéma lui-même dans son rôle compensatoire, au fond le pire de tous (effacer la vie, le réel, le monde tel qu’il est avec ses défauts / rembobiner / réécrire le tout à l’encre rose) – autisme mignon, révisionnisme cool et sans conséquence, mais qui fera dire encore une fois, hélas, que le cinéma est sympa car il fait oublier la vie. On a le droit aussi de penser qu’il n’est pas fait pour cela, et qu’au contraire, avec le cinéma, il faut chercher ici-bas le moyen de notre salut, et non dans quelque ciel ou quelque VHS infiniment réenregistrable.