Le nouveau film de Ben Stiller confirme le statut étrange de l’acteur dans la comédie US, sorte de petit roi dont le burlesque agressif et cassant n’appartient qu’à lui. Mi-Droopy mi-boule de nerfs qui semble toujours prête à exploser, la teneur de l’acteur est indécidable autant que reconnaissable entre toutes. Tonnerre sous les Tropiques puise ainsi dans une multitude de sources (le faux-documentaire à la Spinal tap, le film d’action bourrin période Reagan) dont la touche eighties irradie tous les plans. C’est là que s’ancre l’œuvre du prodigieux petit soldat (il y réalisa ses premiers courts) et le film y trouve une verve atypique et sauvage. A côté de ça, Stiller ramène bien vite l’impressionnant décor de la jungle vietnamienne au rang de petit théâtre engageant une extraordinaire profession de foi des différents acteurs qui se bousculent au casting. Cet intimisme familial occasionne une suite de one-to-one entre stars, vaste délire d’égos amochés traversé d’élucubrations délirantes sur l’art du bien jouer ou le statut désespérant de bouffon mondialisé.
Les performances s’enchaînent (notamment celle, extraordinaire, de Robert Downey Jr en black très seventies), s’épuisant dans un jeu de miroirs qui renvoie dos à dos labeur des répétitions et performances géniales (l’ultime apparition de Tom Cruise, hilarante). Il est une scène qui dépasse toutes les autres, celle où Stiller, séquestré dans un village de trafiquants, doit rejouer un rôle de débile heureux sous la torture, devant une petite assemblée d’indigènes. Cette brutale mise à nu du burlesque, vers laquelle tend tout le film, témoigne parfaitement de cette manière de s’opérer vivant de son art qui anime Ben Stiller. Il y a dans cet étrange cocktail entre Spinal tap, Rambo et Woody Allen une singularité presque expérimentale, une radicalité qui place Stiller dans une zone absolument neuve de la comédie US contemporaine, à mi-chemin de la parodie eighties triviale et du délire existentiel lo-fi. Brillantissime.