Une poignée de têtes d’affiche de la nouvelle bande dessinée française troque le crayon contre le layout le temps d’un film à sketches unis par le thème de l’obscurité et de la trouille qui va avec. Peur(s) du noir est raté : non seulement il ne réveille aucune peur, mais, pire encore, il n’habite jamais le noir. Des promesses du titre, ne restent que quelques expérimentations esthétiques, trop tournées sur elles-mêmes pour penser une minute à investir un monde ou une idée.
Prenons les deux meilleurs segments, ils illustrent à merveille les limites du projet. Le métrage de Burns, réalisé en 3D, travaille son noir à l’aide de deux techniques : un éclairage dynamique, logique lorsque l’on travaille en volume, mais aussi, c’est curieux, avec des textures qu’il plaque sur les polygones comme l’on plaque une peau ou un aspect bois. Bonne idée ? Même pas : passée la surprise, l’effet retombe immédiatement tant la démarche est vide, sans autre but que celui de reproduire au plus près le graphisme BD de l’auteur. Le segment de MacGuire, le seul vraiment intéressant, pêche quant à lui par excès de convention. Alors qu’il installe une obscurité angoissante, il plombe ces effets en s’en remettant à de plats stéréotypes (les fantômes).
Entre les auteurs uniquement intéressés par la mise en mouvement de leur trait (c’est le cas de Blutch), et ceux qui, par manque d’idée, tartinent leur récit de poncifs, le volume des effets à fond, Peur(s) du noir glisse sur la rétine en oubliant que derrière, il y a toute une machinerie humaine à qui l’on avait promis l’angoisse.