Il semble loin, le temps où Tonie Marshall embringuait les foules en apposant sa touche de superficialité gentiment glamour à la comédie française, le temps de Vénus beauté (institut) et de la naissance d’Audrey Tautou. Comme la petite fiancée de la France, Tonie et ses airs de gentille marraine rassemblant C’est mon choix, Les Cahiers, Femme actuelle et Télérama est rentrée dans le rang. Le style doux amer de la cinéaste, entre fantaisie L’Oréal et psychodrame Lexomyl, s’est érodé jusqu’à ce que France boutique atteigne un fond rarement dragué. Plutôt qu’un re-départ, Passe-passe semble une sorte de gratouillis de restes, un film entre-deux chaises où de faux poids lourds (Nathalie baye et Edouard Baer, pas en grande forme) doivent composer avec une intrigue partant sur des bases intéressantes – Baer paumé rencontre une milliardaire mouillée dans un scandale d’Etat – pour se vautrer rapidement dans les choux blancs du téléfilm France 2 le plus académique, et s’étirer dans une dernière partie complètement carbonisée.
Carbonisé : c’est un peu l’impression générale qui ressort du film, de ses personnages à bout de souffle et de ce jeu d’opposition de caractères qui – dès le début – sonne complètement faux. Marshall tente bien de faire fructifier son petit savoir-faire psychologique, mais quelque chose ne prend pas, et les ampoules grillent une à une : Baye hystérique ne peut pas tenir la distance bien longtemps, Baer s’écrase lorsqu’il rencontre la jeune femme atteinte du syndrome de la Tourette (personnage PQ traité comme une pure et simple poubelle pour le scénario). Le méli-mélo politique patine lui-aussi dans la semoule, bref quelque chose dans ce petit cinéma jadis si parfaitement formaté ne tourne plus vraiment rond, ou révèle peut-être au contraire la profonde inanité de ce qu’il fut dès longtemps : un dangereux cousin, en plus sympa, des cauchemardesques fantaisies de Jeanne Labrune. Malgré le désastre, entre deux tours de magie consternants d’Edouard Baer (qui interprète, attention métaphore, un prestidigitateur), le film ne baisse jamais les bras et tente en permanence de refourguer sa caisse de Champomy en la faisant passer pour du Dom Pérignon. La misère.