Scénariste pour Xavier Beauvois ou Werner Schroeter, Cédric Anger réalise un polar dans la droite lignée de son galop d’essai, le court-métrage Novella. Soit un exercice de style visant l’oscillation entre le maxi (les grandes orgues du polar ténébreux et mélancolique) et le mini (rétention des effets, efficacité de mise en scène, réalisme sec). A voir s’agencer ce balancement, on retire d’abord l’impression que la pompe et l’esprit de sérieux vont balayer ce programme comme une paille. Mais le mini résiste à la grandiloquence : s’y greffent clandestinement des effets décalés et volontairement vilains (recadrages, zooms d’un autre âge, etc.). Bref, le tout s’affine, ce n’est pas seulement de la friction entre grands modèles et petits habits qu’il s’agit, mais aussi, ou plutôt, d’un ratatinement de l’un sur l’autre.
S’agrègent à cela des intentions hyper visibles, tant au niveau de l’écriture (filmer naïvement les temps morts, décrire minutieusement un Paris anonyme et en chantier où se goûte la tristesse grise des quartiers sans âme) que de la musique par exemple, qui alterne entre un score orchestral endimanché et des morceaux de Devo. C’est seulement à travers cette mixture et ces multiples opérations que l’on revient au postulat initial, mais il a perdu toute saveur : de la juxtaposition du maxi et du mini, n’en reste que les lambeaux dévoyés – pompe référencée et précarité d’une mise en scène terne et sinistre d’un bout à l’autre, boitent l’une à côté de l’autre sans jamais se toucher.
L’intrigue est minimale : un tueur à gages débarque à Paris, repère sa victime, glande en attendant le moment opportun, jusqu’à ce que sa proie vienne à lui et lui propose un étrange marché. Dans l’étroit couloir bordé par la pompe et la précarité, elle ne peut se résoudre autrement qu’en un tour de passe-passe faible et mal amené. A l’image de tout le film, qui se trahit sans cesse par des tentatives formelles qui n’exhibent qu’une sorte de misère esthétique faussement assumée, collant avec lourdeur au décorum du film, qui se déroule entièrement entre trois artères en chantier du 13ème arrondissement de Paris (BN, Tolbiac, Austerlitz). Film ton sur ton, Le Tueur ne parvient jamais à dépasser les antagonismes qu’il met lui-même en place, ni à les résoudre, encore moins à les sublimer.