Du continent sud-américain nous arrivent bien trop d’oeuvrettes pseudo-véristes. Quand des Lisandro Alonso et Fernando Eimbcke travaillent les formes dans l’indifférence générale, ce cinoche tiers-mondiste caracole de festivals en revues de presse. Dans le genre, Leonera et sa mater dolorosa récitent leur bréviaire avec une touchante application : une interprète habitée, un discours social, quelques pics lacrymaux et une rugosité de chaque instant. Pour faire vrai, forcément. Là, c’est Leonera, qui se réveille du sang plein la joue, étendue près des corps sans vie de deux hommes. La jeune femme enceinte ne se souvient de rien, sinon de s’être défendue. Incarcérée dans une prison pour mères de famille, elle accouche derrière les barreaux et commence à élever son enfant. 4 ans plus tard, l’administration décide de le lui enlever.
Le gros plan d’ouverture n’est pas feint : 1h53 durant, Pablo Trapero ne lâche jamais son héroïne. Rivé à ses basques, comme un reporter, il fait d’elle son point de vue unique, le prisme par lequel passe tout le film. La méthode a fait ses preuves, les derniers Dardenne et Zonca en témoignent, encore faut-il franchement s’y abandonner. C’est l’oubli du cinéaste qui ne peut s’empêcher de jouer au plus malin et surexploiter sa zonzon pleine de poussettes. Cas d’école, ce plan horizontal à hauteur de ventre, travelling métonymique qui réduit plusieurs prisonnières à leur fonction de matrice. Une facilité racoleuse, à deux doigts de révulser, mais symptomatique de la méthode Trapero : faire mine d’adopter la bonne distance pour mieux charger au bulldozer. De petites trahisons esthétiques qui ne débouchent sur rien. Pas un plan qui résiste dans Leonera, pas une image qui accroche, rien d’autre que le déroulé mécanique du quotidien carcéral, de ses injustices et de sa solidarité. Au bout d’un quart d’heure, on croit bien à l’amorce d’un décrochage poétique (une apparition fantomatique), mais Trapero revient vite dans l’axe, trop occupé, sans doute, à faire chauffer le Caterpillar.
Reste Martina Gussman. Obnubilée par ce gosse qu’on lui a ravi, la jeune actrice irradie le champ d’une telle fragilité rageuse qu’elle ferait presque oublier les effets de manche de son pygmalion. Il faut la voir, en mère courage, lutter corps et âme pour récupérer sa progéniture, se battre le mors au dent contre une administration aveugle. C’est à ses tripes qu’on s’agrippe pour rallier la fin, persuadés que son talent lui ouvrira d’autres portes que celles de l’UNICEF.